Nous ne pouvons indéfiniment nous servir dans le pot commun de la planète

 

Espaces naturels n°71 - juillet 2020

Édito

Gwenaël Vourc’h, Directrice adjointe de l’UMR Épidémiologie des maladies animales et zoonotiques à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)

© Inrae

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La crise de la Covid-19 nous reconnecte brutalement à notre statut d’être vivant. Nous sommes mortels. Nous partageons notre planète avec d’autres êtres vivants. Nous sommes reliés à eux, même lorsqu’ils sont à l’autre bout de la planète. Nous dépendons d’eux. La Covid-19 est une maladie d’origine animale comme les trois quarts des maladies émergentes infectieuses. Les pressions anthropiques sur l’environnement intensifient les interfaces entre la faune sauvage et les humains et favorisent l’émergence de telles maladies. Jusqu’à présent, les appels répétés à enrayer l’effondrement de la biodiversité n’avaient eu qu’une portée assez limitée. Ils peinaient à s’ancrer dans le concret et dans l’urgence. Touchés dans nos chairs, nous nous rendons compte que nous ne pouvons indéfiniment nous servir dans le pot commun de la planète.
L’être humain est d’une ingéniosité incroyable. Cette ingéniosité nous a sortis de la forêt et de la savane. Elle nous a permis de conquérir la planète. Mais la partie de notre cerveau la plus ancienne, celle présente déjà chez nos ancêtres les primates il y a des millions d’années, est programmée pour la survie dans la forêt et les savanes, pas pour modérer et diriger nos actions à long terme dans un monde d’abondance. Or c’est ce dont nous avons besoin pour infléchir le cours des perturbations que nous infligeons à la planète. Nous devons nourrir notre cerveau de connaissances, lui donner du sens, le reconnecter avec le monde sensible et le sevrer des mille et un objets qui encombrent nos vies et polluent les océans.
Pour cela, nous devons collectivement construire des socio-écosystèmes résilients face aux crises sanitaires, environnementales et économiques. Nous devons nous appuyer sur des travaux multidisciplinaires entre sciences du vivant, sciences humaines et économie et implication de la société. « Nous ne sommes pas la vague inexorable et réelle de l’Histoire, nous ne sommes qu’une possibilité parmi une myriade » nous dit l’anthropologue canadien Wade Davis. À nous d’écrire la page de l’Histoire que nous voulons lire à nos enfants.