La Charte de l’environnement

 
Ça change quoi ?

Espaces naturels n°4 - octobre 2003

Droit - Police de la nature

Marie-Laure Tanon
Ministère de l’Écologie et du développement durable

 

La Charte de l'environnement a été approuvée le 25 juin en conseil des ministres. Elle sera discutée au Parlement à l’automne. Si ce projet de loi constitutionnelle est adopté, son influence sur la réglementation française sera progressive et trois dispositions devraient avoir une portée juridique particulièrement importante : le droit à un environnement sain, le principe de précaution, le principe de réparation des dommages.

L’inscription dans notre Constitution d’une Charte de l’environnement constitue un engagement pris par le président de la République au cours de la campagne électorale. Le projet de loi constitutionnelle qui concrétise cet engagement a été approuvé par le conseil des ministres du 25 juin 2003. Il résulte d’une large consultation nationale conduite par la ministre de l’écologie et du développement durable, dans le cadre de la commission Coppens, et d’une dizaine d’assises territoriales. Il faut souligner que le projet de loi est très proche de la proposition de la commission Coppens, dont il respecte les thèmes et l’inspiration sous une forme plus concise.
L’adoption d’une telle Charte constitutionnelle se situe d’abord, naturellement, au niveau politique et symbolique. C’est un texte fort qui est porté au même niveau que la déclaration des droits de l’homme et le préambule de la constitution de 1946. C’est aussi une démarche pionnière, qui n’a pas d’équivalent dans d’autres constitutions. Même si une cinquantaine de constitutions dans le monde, et onze d’États membres de la Communauté comportent une référence à l’environnement, aucune n’a l’ampleur du projet français.
Les effets de ce texte, en terme de contrôle de constitutionnalité, se feront sentir nécessairement à long terme, au fil des saisines du conseil constitutionnel et son influence sur l’ensemble de la réglementation française sera progressive. Une telle saisine sera cependant possible dès le lendemain de l’adoption de la charte, pour les lois postérieures à son adoption et prises en matière d’environnement ou touchant toute activité ayant des incidences sur l’environnement.
Trois dispositions devraient avoir une portée juridique particulièrement importante. La reconnaissance, au rang de liberté publique fondamentale, du droit à un environnement sain (article 1er) devrait consolider les droits des particuliers dans leur accès à la justice devant toutes les juridictions, et à l’encontre de tous les auteurs d’atteintes, qu’ils soient privés ou relèvent de l’administration.
Le principe de précaution (art. 5), comme le droit à un environnement sain, est défini de manière absolue, sans renvoi à des modalités définies par la loi pour sa mise en œuvre. Ce principe sera –sûrement– fréquemment invoqué. Cependant, compte tenu de sa définition très encadrée, sa mise en œuvre effective par un juge devrait conserver un caractère exceptionnel.
Enfin, l’article 4 sur la réparation des dommages causés à l’environnement, combiné au principe de prévention qui le précède consacre, au niveau constitutionnel, un principe fort de responsabilité. Or, jusqu’à ce jour, celui-ci ne relève que des règles générales du Code civil. De plus, ces règles générales sont difficiles à appliquer au préjudice écologique, et se limitent souvent à des réparations symboliques. Leur constitutionnalisation devrait donner un nouvel élan au développement de ce droit.
Le projet de charte comporte également d’autres articles qui ont davantage une portée d’orientation.
Il est prévu que la discussion de ce projet de loi au Parlement ait lieu au cours de l’automne. Il sera défendu par le ministre de la Justice. Comme pour toute modification de la Constitution, il appartiendra au président de la République de décider de son approbation finale en congrès, ou par référendum.