ISÈRE

Gestionnaires et étudiants : une coopération en faveur de l'Iberis

 
Gestion patrimoniale

Olivier Iborra, IET, olivier.iborra@ietlyon.com,

Raphael Quesada, Lo Parvi, direction@loparvi.fr

Mettre en place des actions de gestion par le biais de chantiers pédagogiques a été une solution efficace pour sauver l'Iberis de Timeroy. Lo parvi, gestionnaire de ce petit site isérois a fait appel aux étudiants de l'IET de Lyon.

La fauche et l'export de la matière permettent de freiner la dynamique végétale.© O. Iborra - IET

La fauche et l'export de la matière permettent de freiner la dynamique végétale.© O. Iborra - IET

C'est en 2010 que la gestion du petit site naturel de Bonbouillon, en Isère, a été mise en place. L'objectif était de permettre le maintien de l'Iberis de Timeroy, classée vulnérable en France métropolitaine (voir encadré p.54). L'association Lo Parvi est à l'origine des démarches auprès du propriétaire et du département de l'Isère, qui ont permis de mettre en place une gestion originale, intégrant des étudiants de l'Institut de l'environnement et des technologies (IET) de Lyon.

Le petit site naturel de Bonbouillon d’une superfi cie de 2,44 ha, a ainsi été intégré dans le réseau des espaces naturels sensibles associatifs du Département de l’Isère en 2011. Dès lors, deux actions systématiques sont engagées : d'une part, le suivi, et d'autre part, des chantiers récurrents assurés par les étudiants en BTSA Gestion et protection de la nature (GPN). Dans le cadre du réseau « conservation de la flore Alpes’ Ain », le suivi des stations est réalisé en août-septembre par dénombrement et géolocalisation des pieds d’Ibéris de Timeroy. Au vu de la taille limitée de la station et du faible nombre de pieds, le protocole adopté est un suivi exhaustif des pieds fleuris et non fleuris entre 2010 et 2017. Depuis 2018, les comptages pieds à pieds sont espacés avec un comptage complet de deux heures, tous les trois ans, par deux personnes de Lo Parvi, gestionnaire du site.

UNE GESTION PARTENARIALE

Concernant les chantiers, ils sont préparés et assurés par les étudiants en BTSA GPN de l’IET sous convention avec Lo Parvi. Le protocole associe deux techniques de gestion, pratiquées en automne, après la fructification de l’Ibéris : le débroussaillage et la fauche manuelle. Les objectifs visés du débroussaillage et de la fauche manuelle sont, à long terme, de conserver une mosaïque de pelouses sèches et les espèces associées ; à court terme, de maintenir l’ouverture des pelouses. Ils sont effectués manuellement avec le matériel adéquat. Les étudiants ont l’interdiction légale d’utiliser du matériel thermique (tronçonneuse ou débroussailleuse manuelle) qui n’est donc utilisé que par les bénévoles et salariés de Lo Parvi. La fauche permet de freiner la dynamique végétale et de maintenir les espèces patrimoniales de pelouses calcicoles, car les pelouses sèches ont tendance à se refermer par développement des ligneux. Compte tenu de la configuration du site, la matière est exportée (en vrac) et compostée en lisière de bois à proximité.

En suivant la notice de gestion, les étudiants et leurs encadrants, de promotion en promotion, ont généré un entretien d’ouverture régulier. Dans la mesure où le chantier compte pour l'examen du BTSA GPN, les étudiants de seconde année sont les maîtres d’oeuvre et ont en charge la préparation du chantier, sa réalisation et sa bonne tenue (y compris en termes de sécurité) en liaison avec le commanditaire (Lo Parvi), sous la responsabilité de l’établissement.

UNE COOPÉRATION RÉUSSIE

Ces deux actions illustrent une coopération entre différents acteurs de la gestion et de la valorisation des espaces. La commande de chantiers pédagogiques à l'IET s'insère dans une gestion concertée qui réunit les scientifiques (botanistes et Conservatoire botanique national alpin), les collectivités territoriales (Conseil départemental 38 et la commune), le propriétaire, les bénévoles et salariés de Lo Parvi. Les étudiants sont au coeur de la chaîne des acteurs de la gestion et aiguisent leur esprit d'analyse sur un cas concret. Ce positionnement est une bonne expérience non seulement pour acquérir les gestes, mais également pour vivre des postures professionnelles réelles.

Gestionnaire, établissement et étudiants sortent gagnant de cette expérience. Pour les étudiants, au-delà de la simple mise en situation, c'est un réel apprentissage du savoir-être professionnel, tant dans la préparation que la réalisation du chantier, du geste jusque dans la mise en pratique. La passation entre premières et deuxièmes années est également un enseignement riche. Ce savoir-faire profite à tout l'établissement, qui est ainsi reconnu dans le domaine. D'autres partenariats sont ainsi facilités. Du point de vue du gestionnaire, cette formule est à la fois une économie de temps et d'argent, et une facilité logistique.

RÉSULTATS POSITIFS SUR L'ESPÈCE ENDÉMIQUE

En 2010, lors du premier dénombrement, le nombre de pieds passe de 201 à 464 dès le premier chantier.

La tendance d’évolution (voir ci-contre) montre une forte progression du nombre de pieds entre 2010 (201) et 2017 (865), même si certaines années, il est observé une diminution du nombre de pieds. Plante bisannuelle, l’Ibéris de Timeroy semble en effet très dépendante des fluctuations météorologiques qui ont un impact sur le nombre de pieds fleuris et la production de graines.

Les suivis ne montrent pas de progression spatiale nette de l’Ibéris de Timeroy suite à la répétition annuelle des chantiers. En revanche, on remarque des fluctuations d’effectifs à l’intérieur de l’aire de présence avec un développement de pieds isolés sur les zones débroussaillées dans la chênaie pubescente.

Entre 2010 et 2017, le nombre d’emplacements avec moins de dix pieds diminue fortement passant de 14 à 3. En contrepartie, ceux de plus de vingt-cinq pieds augmentent passant du quart au tiers des emplacements recensés. En 2016, pour la première fois, un emplacement dépasse 100 pieds. Il n’y a donc pas d’étalement spatial de l’Ibéris de Timeroy, mais un accroissement de la population. La répétition de la conduite des deux actions annuelles et successives - suivi des stations des pieds d’Ibéris et réalisation du chantier - a permis de mettre en évidence que la population est en phase d’accroissement de ses effectifs.

Au vu de l’évolution favorable de la situation de l’espèce, Lo Parvi et l'IET envisagent la poursuite de la coopération. Par ailleurs, la réussite des actions de gestion entreprises permet d’assurer la conservation de graines en banque de semences et en jardin botanique par le CBN alpin. De plus, afin d’assurer la sauvegarde de cette espèce endémique, un projet d’introduction d’Iberis de Timeroy dans un ENS voisin se prépare.

(1) Espaces naturels n°33, janvier 2011, pp.34-35
(2) Acta. Bot. Gallica 2003 150 (4), 459 – 464.