Un herbier pour former des spécialistes de la faune africaine
Espaces naturels n°40 - octobre 2012
Mbamba Mbamba Jean Paul Kevin
Enseignant à l’École de faune de Garoua, Responsable de l’herbier
Deux ans d’études à l’École de faune de Garoua permettent aux étudiants de devenir des spécialistes de la faune des aires protégées de l’Afrique francophone. Dans ce cursus de formation, la botanique occupe une place de choix et l’herbier est la clé de la pédagogie.
En botanique comme en mycologie, un herbier est une collection de plantes séchées et pressées entre des feuilles de papier. Le terme herbier peut également désigner l’établissement ou l’institution qui assure la conservation d’une collection botanique. L’herbier de l’École de faune de Garoua correspond aux deux acceptions. Mis en place au début des années 1970, peu après la création de l’École, il constitue l’unique collection botanique dans la région du grand nord du Cameroun et les pays environnants. Dans une salle d’une cinquantaine de mètres carrés, six armoires abritent près de 18 000 échantillons dont l’originalité est de délivrer des données sur l’utilisation des espèces végétales par la faune sauvage.
Support de formation. Cependant, au-delà de l’outil reconnu et utilisé par les scientifiques, l’herbier est également devenu l’outil didactique clé de la formation des étudiants de l’école de Garoua. Ce choix pédagogique s’appuie sur le constat que la perte des habitats est la principale cause de l’érosion de la biodiversité. En effet, leurs modifications déclenchent en général des migrations de la faune sauvage, cycliques ou définitives, en fonction de l’ampleur du phénomène. L’herborisation, c’est-à-dire la confection et la mise en collection, demeure alors incontournable pour toute étude crédible portant sur la végétation d’une zone donnée. Par ailleurs, la connaissance de la croissance, la dynamique et la valeur bromatologique (1) des plantes permettent d’orienter les décisions de gestion. C’est le cas du régime de la mise à feux dans les parcs nationaux, de l’évaluation de la capacité des pâturages naturels ou encore des améliorations à leur apporter dans le cas des games-ranches (2).
Enseignement. Dès leur arrivée en septembre, les étudiants sont initiés à la reconnaissance des herbacées et graminées jusqu’en début de la saison sèche en décembre. L’herbe sèche, en effet, rend difficile la reconnaissance des espèces, aptitude indispensable à la gestion des habitats. Chaque stagiaire se voit ainsi attribuer un dispositif permanent (parcelle, bande ou ligne) dans les vingt-quatre hectares de savane guinéenne que couvre l’enceinte de l’école et ceci pour les deux ans que dure le cycle de formation. Semestriellement, chacun des étudiants rapporte les modifications phénologiques ou dynamiques qui se déroulent dans l’espace lui ayant été attribué. Ce sont également les élèves qui sont chargés de construire l’herbier. C’est pour eux l’occasion de parfaire leur connaissance dans cette technique : récolte des échantillons botaniques, conditionnement, montage des échantillons, contrôle parasitaire. Chaque étape est l’objet d’un approfondissement des savoirs. Ainsi leurs recherches les amènent à utiliser des clés de détermination ou, plus prosaïquement, à maîtriser la gestion d’une base de données dans laquelle ils doivent intégrer les nouveaux éléments de la collection.
Entre théorie et pratique, l’essentiel de l’apprentissage se déroule entre l’école et un vaste réseau d’aires protégées écologiquement très diversifiées dont dispose le Cameroun. Dans ce cadre, l’herbier est également le support de travaux pratiques. Des visites dans ces espaces protégés donnent lieu à d’autres enseignements comme l’écologie végétale, où l’accent est mis sur la phytogéographie ; la chorologie (3) où la distribution des plantes est mise en relation avec les facteurs climatiques au niveau régional et édaphiques (4) à l’échelle stationnelle ou d’un bassin versant. L’herbier dispense ainsi différents enseignements liés à la botanique et aux habitats, à savoir : la systématique, la caractérisation et la typologie des zones humides, l’écologie végétale ; l’inventaire de la végétation ; l’aménagement des pâturages. Plus de 2 500 cadres occupant diverses responsabilités dans des ministères, des aires protégées d’Afrique, les ONG nationales et internationales (Ramsar, Wetlands International, Cites) ont été formés à l’École de faune de Garoua. •
1. La bromatologie est l’analyse des aliments. • 2. Élevage extensif, en milieu naturel, d’espèces sauvages ou de gibier. • 3. L’étude explicative de la répartition géographique des espèces vivantes. • 4. Désigne les facteurs écologiques propres aux sols ou aux organismes inféodés à de tels milieux.