Méthode pour les pelouses calcicoles et les prairies de fauche
Espaces naturels n°40 - octobre 2012
Lise Maciejewski
Muséum national d’histoire naturelle
Farid Bensettiti
Muséum national d’histoire naturelle
Une série de méthodes simples permet d’évaluer l’état de conservation des habitats d’intérêt communautaire. À destination des gestionnaires de sites Natura 2000, elles sont élaborées à la demande du ministère de l’Écologie.
Elaborée par le Muséum national d’histoire naturelle, une série de méthodes à destination des gestionnaires de sites Natura 2000 permet d’évaluer l’état de conservation des habitats d’intérêt communautaire. Les comités de pilotage peuvent ainsi se saisir de cette base scientifique pour établir leurs objectifs de conservation. Parmi ces méthodes, une version finalisée début 2012, concerne deux des principaux habitats agropastoraux d’intérêt communautaire présents dans les espaces naturels, à savoir les pelouses calcicoles et les prairies de fauche.
Étapes. En s’appuyant sur la bibliographie, un ensemble de critères et indicateurs ont été sélectionnés puis validés par un groupe d’experts et de gestionnaires. Ils ont été testés avec les données de terrain récoltées dans le Massif Central, les Cévennes, les Alpes. Des analyses statistiques ont ensuite permis de révéler les informations portées par chaque indicateur, mettant ainsi en évidence leurs éventuelles redondances. Il a alors été possible de proposer des alternatives pour un même critère et donc de simplifier la méthode et de la rendre plus efficace.
Accessible. Les indicateurs sont à la fois élémentaires à calculer mais aussi pratiques à relever sur le terrain. La méthode est utilisable par la majorité des gestionnaires de sites dans la continuité de celles déjà produites par le service du patrimoine naturel du Muséum. En effet, bien qu’un relevé simple et rapide apporte peu d’information à une échelle locale (placette), il permet d’avoir une forte pression d’échantillonnage dans le temps et dans l’espace, ce qui rend disponible une grande quantité d’informations à une échelle plus large. Un des objectifs a visé l’utilisation des outils existants. Et aussi, quand cela a été possible, la déclinaison de plusieurs indicateurs pour un même critère, telle la richesse du sol (niveau trophique -1) par exemple, qui apparaît comme le facteur le plus important dans l’expression des prairies de fauche. Pour ce cas, il a été établi que le recensement, à partir d’une liste précise d’espèces eutrophes, permet de savoir si le niveau trophique1 de la parcelle est élevé. Cette liste permet, d’une part de limiter le nombre d’espèces à reconnaître et, d’autre part, d’éviter que le biais observateur, fort, n’affecte l’estimation de l’abondance. Ainsi, un simple relevé de présence et d’absence suffit. Parmi les outils déjà existants testés, la méthode dite Prairies fleuries et la liste d’espèces mise en place pour le concours national 2011 ont été intégrées à l’évaluation. Il a été démontré que la diminution du nombre d’espèces de cette liste est fortement liée à l’augmentation du niveau trophique de la parcelle. On obtient ainsi deux indicateurs au choix (présence d’espèces eutrophes ou indicateur Prairies fleuries) pour la même information : la détermination du niveau trophique.
Indicateurs faunistiques. La composition et la physionomie de la végétation constituent les principales informations qui permettent la détermination du type d’habitat. Cependant, la faune est aussi une composante de l’habitat et de son fonctionnement. De plus, comme la flore, la faune est intégratrice des conditions écologiques du milieu, c’est pourquoi des indicateurs faunistiques ont également été retenus pour évaluer l’état de conservation des habitats (cf. encart).
L’échantillonnage doit s’adapter à la question posée, mais également à l’historique du site et aux moyens disponibles. Selon les indicateurs (tableau 1), les relevés peuvent être faits sur différentes unités d’échantillonnage qui restent encore à préciser. Une approche empirique a été privilégiée en proposant à nos partenaires volontaires (PNR, RNF, CEN) de mettre en application la méthode, puis de faire part de leurs expériences de terrain, en expliquant leur mise en pratique, les résultats obtenus, et surtout le choix de l’unité et du plan d’échantillonnage. Ce travail va permettre de balayer des situations aussi diverses que les grandes surfaces de pelouse en pâturage extensif, ou les patchs de pelouses de taille réduite et très disparates.
Limites. Dans la logique de la directive Habitats, l’évaluation de l’état de conservation au niveau d’un site porte sur l’habitat générique. Or, celui-ci peut comprendre un grand nombre d’associations à la variabilité écologique élevée. C’est pourquoi certains aspects dynamiques fins de l’habitat ne peuvent être détectés par la méthode, comme par exemple un début d’eutrophisation d’une pelouse xérique (caractérisé par une forte sécheresse). C’est aussi une des conséquences du compromis assumé entre simplicité et efficacité. Les études en cours permettront de mettre en évidence ces limites. Les données ayant permis le calibrage des indicateurs ont été récoltées en 2011 dans la moitié sud de la France. Une nouvelle campagne de terrain en 2012 dans la moitié nord permettra de recalibrer les indicateurs pour adapter la méthode à l’ensemble du territoire national. •
1. La trophie est le degré de richesse nutritionnelle d'un milieu vis-à-vis de la végétation, le niveau trophique étant la mesure de cette richesse. Il est estimé à partir de la composition en espèces présentes sur la parcelle.