>>> Sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée

Pelagos terre d’asile pour les baleines

 
Décret n° 2002-1016 du 18 juillet 2002

Espaces naturels n°4 - octobre 2003

Gestion patrimoniale

Pierre Mutin

 

L’accord international créant un sanctuaire des mammifères marins en Méditerranée a été publié voici plus d’un an. Hormis la pêche, il n’interdit rien et laisse une large place à la négociation. Un parti pris qui tente d’affirmer la pertinence des solutions concertées.

Non, inutile de relire les vingt-deux articles de l’accord portant création en Méditerranée d’un sanctuaire pour les mammifères marins. Même en cherchant bien, vous n’y trouverez qu’une seule fois le verbe interdire. Par contre, vous y ferez moisson des verbes s’engager et se concerter.
Ici, en mer Ligure, entre presqu’île de Giens, Sardaigne et Toscane, l’État a choisi le dialogue. Est-ce par prudence ? Est-ce contraint et forcé par le caractère international de cette parcelle de Méditerranée ? Est-ce par tempérance ou bien par pusillanimité ? Certainement pour toutes ces raisons et d’autres encore, du fait même du principe d’un sanctuaire qui aura mis plus de dix ans pour conquérir sa réalité juridique.
L’accord repose
sur la concertation
Fruit de revendications environnementalistes (WWF, Greenpeace, chercheurs…) et de négociations internationales (franco-italo-monégasques), le sanctuaire reconnaît l’existence d’une aire maritime de 87 500 km2 qui, par ses conditions spécifiques de relief et température, constitue un milieu privilégié pour la nourriture et la reproduction des grands mammifères marins. Mais si les 3 000 rorquals et les 25 000 dauphins qui le fréquentent sont désormais interdits de pêche, l’accord portant création du sanctuaire ne fixe pas d’autres règles. Il laisse à la concertation le soin de préciser ce que recouvre concrètement la lutte contre les « perturbations intentionnelles » (art. 7), les bonnes pratiques en matière « d’observation des mammifères à des fins touristiques » (art. 8) ou la réglementation des « compétitions d’engins à moteur rapides » (art. 9). Ainsi, alors que l’accord venait d’être publié, la polémique a fait rage sur l’opportunité d’autoriser l’organisation de compétitions offshore en Corse (voir encadré). En effet, car si le sanctuaire Pelagos a été créé pour protéger les mammifères marins contre toutes les causes de perturbation provenant des activités humaines, il s’est aussi donné pour objectif de concilier le développement harmonieux des espèces avec les nombreux intérêts socio-économiques de cette région.
Les poupées gigognes
du dialogue
Du côté français, le ministère chargé de l’environnement a confié l’animation du sanctuaire au Parc national de Port-Cros. Pour cela, cinq groupes de travail ont été constitués. Ils sont composés de représentants des services administratifs de l’État, des collectivités territoriales, de laboratoires scientifiques, des professionnels du transport, de la pêche, du tourisme, d’associations et ONG. Réunis depuis mars 2001, leurs missions sont de préciser les axes de recherche prioritaires, d’analyser l’impact des activités humaines et d’en limiter les conséquences, de définir et diffuser un code de bonne conduite, de recueillir et analyser les mammifères échoués et de préparer l’élaboration d’un plan de gestion international.
Parmi les premières actions et pistes de travail, on peut noter la diffusion d’une plaquette de sensibilisation à 200 000 exemplaires dans tous les ports de plaisance et capitaineries ; la formation des organisateurs de whale-watching (code de bonne conduite sur les activités touristiques d’observation en mer des baleines) ; l’interdiction des courses offshore ou un programme d’expérimentation de la détection des cétacés par les navires à grande vitesse en partenariat avec la SNCM.
L’inconvénient de la concertation, c’est sans nul doute la lenteur. Une lenteur qui laisse pendant le risque d’un « s anctuaire de papier » (Var Matin, 19/12/2000). L’avantage de la concertation, c’est qu’elle débouche sur des solutions innovantes et respectueuses des contraintes des différentes parties. Dans un espace de liberté de 87 000 km2, c’est certainement le meilleur moyen pour qu’une règle soit respectée.