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Quelle signalétique pour les espaces naturels ?

 

Espaces naturels n°4 - octobre 2003

Pédagogie - Animation

Roland Chamagne
Consultant pour le Parc national de Port-Cros

 

La signalétique n’est pas une fin en soi. C’est un outil de communication qui, à ce titre, doit être replacée dans une stratégie, au service d’une philosophie de la découverte. La discrétion est un précepte et le design doit être soigneusement étudié, tout comme le choix de l’implantation.

Au Parc national de Port-Cros, nous avons systématiquement privilégié le fait que le visiteur soit actif et non passif, qu’il fasse l’effort d’aller vers la signalétique et non l’inverse. Celle-ci est donc positionnée à l’écart ou à l’ombre, sur le côté d’un fort ou en retrait de la plage.
Le design épuré de cette signalétique est un gage d’intégration au paysage et le choix de son implantation est stratégique. Chaque détail compte. Rien ne doit être laissé au hasard. L’attention est poussée jusque dans le choix des matériaux.
Tout gestionnaire, animateur, communicateur d’un espace naturel vous le dira : la signalétique des espaces naturels est une problématique à laquelle il est confronté. Une nouvelle population, plus familiale, pratique le tourisme nature et demande à être assistée dans sa découverte. Ainsi, la mise en place d’outils de compréhension est-elle devenue nécessaire.
À ce titre, la démarche initiée par les parcs nationaux est intéressante. Car, malgré la croissance de la fréquentation, elle concilie qualité, intégration au paysage, identité forte, préservation du patrimoine naturel.
C’est la solution
À la recherche d’outils pédagogiques, la signalétique est souvent présentée comme « la » solution. Peut-être. À condition cependant de lui donner du sens, c’est-à-dire de la resituer dans la stratégie de communication à long terme. La signalétique ne saurait être déconnectée des questions de développement ou d’équilibre de la fréquentation, du public visé, des thèmes à retenir.
La signalétique est un moyen de communication complémentaire d’autres outils de communication : documents éditoriaux, site internet, guides, dépliants, panneaux, mobilier signalétique ou ludo-pédagogique, expositions… Le rôle joué par chacun de ces outils doit être clairement identifié.
Une fois définie la stratégie dans laquelle s’inscrit la signalétique, l’équipe composée du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre définit l’axe éditorial : conception graphique, iconographie, mise en page, identité et logotype…
Cette phase de l’étude doit être menée en parallèle avec la phase de design et de choix des implantations sur site. Une grande symbiose doit s’opérer entre les acteurs du projet et le projet lui-même, et chaque phase doit être longuement réfléchie, dessinée, modifiée, polie.
Le design de la nature
En matière de design d’environnement, rien n’est dérisoire, rien n’est accessoire, chaque détail a son importance, le superflu doit être éliminé, l’essentiel mis en avant. La démarche initiée par les parcs nationaux, avec des partenaires privés (ACG et RCD Design) vise à élaborer un design très sobre, intemporel, à l’image de l’environnement naturel.
Une attention profonde préside au graphisme, à l’équilibre entre le texte et l’image. Notre société étant une société de l’image, la photo est privilégiée. Mais il ne s’agit pas de montrer, mais d’inciter à la découverte. Un territoire ne se livre pas de suite, il se découvre, s’apprend, s’apprivoise. Il se donne à qui souhaite le découvrir. Le rôle de la signalétique est d’inciter à aller au-devant du territoire, il ne s’agit pas de tout montrer, contrairement à une demande d’un certain public.
La mise en place sur site relève du même processus : un équilibre entre attractivité, discrétion, intégration, lisibilité et visibilité. Le visiteur ne doit pas être agressé par la signalétique, mais invité. Libre à lui de ne pas aller au-devant d’elle. À vrai dire, cette notion est très difficile à faire passer auprès des hommes de terrain qui privilégient pour certain l’efficacité, pour d’autres la non-visibilité.
Le choix des matériaux
Les matériaux traditionnels, tel le pin traité avec des produits écologiques, permettent une intégration au milieu naturel. Le choix du rondin permet une plus grande discrétion de par sa forme. Le choix de la fixation invisible, par un système de cornières au dos, permet d’offrir une pleine page de grande qualité sans brouiller le message par des éléments techniques perturbateurs. Le sol est lui aussi traité. En situation d’isolement, le visiteur peut alors saisir cet instant privilégié où, déconnecté du réel, il peut tenter le « passage initiatique ». Le sol surélevé permet de comprendre que nous passons un seuil, que nous entrons sur un territoire d’exception qui mérite notre attention.
Le choix de l’implantation est, lui aussi, primordial. On gardera le souci d’une surface relative par rapport à l’environnement. De même le cheminement créé par cette signalitique ne devra pas créer de nouveaux diverticules ni impacter un espace sensible. On prendra également en compte la géologie du sol et celui des forces naturelles (ruissellement de l’eau, reptation de la neige, capacité de repousse des plantes environnantes…).
La réussite d’un programme signalétique tient à l’attention portée aux moindres détails.