Baie de Somme

Analyser la fréquentation à l'échelle du territoire

 

Espaces naturels n°53 - janvier 2016

Accueil - Fréquentation

Elise Blanchart, SMBS

Étudier la fréquentation d'un site est un incontournable pour travailler à l'équilibre entre accueil et préservation des milieux. Le Grand Site de France Baie de Somme a développé l'analyse à l'échelle de tout un territoire : une connaissance fine qui permet de développer des stratégies d'aménagement cohérentes.

Enquête qualitative sur les sites

Pour développer des projets en cohérence avec la préservation et l'accueil, il faut étudier la fréquentation à l'échelle du territoire. En s’appuyant sur ces étude, le gestionnaire du Grand Site de France Baie de Somme a ainsi pu envisager la réorganisation des accès, la création de nouvelles offres, le calibrage de plusieurs aménagements. En d'autres termes, une étude globale était plus judicieuse que plusieurs localisées à une échelle projet.
La première étude qui a été conduite, en 2001, a servi de base.

Elle a été initiée lors du lancement de l'opération Grand Site par le syndicat mixte Baie de Somme – Grand Littoral Picard et ses partenaires. La démarche était double  : il s’agissait de poursuivre la politique de préservation des grands espaces naturels et de répondre aux nouvelles problématiques touristiques, notamment liées au désenclavement routier du territoire par les ouvertures successives du tunnel sous la Manche en 1994 et de l’autoroute A16 en 1998. La combinaison entre préservation des paysages et accueil des visiteurs est alors devenue le fer de lance de la « destination nature » en devenir.

Un bureau d’études a été missionné sur une période de douze mois pour mener les premières analyses. À l'époque, la méthodologie proposée était plus ou moins normalisée sur tous les sites  : des comptages ponctuels et une enquête qualitative (questionnaires). Peu de prestataires détenaient l’ingénierie pour conduire ce type d’analyse sur des sites dits « territoires » qui possèdent plusieurs portes d’entrées, par opposition aux sites dits « monuments » qui n’ont eux qu’un accès et sont souvent équipés d’un guichet permettant facilement de mesurer les flux. 

Ce premier chiffrage a dévoilé une fréquentation relativement élevée du territoire : 2 millions de visiteurs sur les principaux espaces naturels, situés en site classé. Cela a permis de souligner l’attrait touristique du territoire. Les acteurs ont alors pu travailler à l'équilibre entre préservation et développement du tourisme. Dix ans plus tard, en 2011, au terme de multiples actions visant à préserver les paysages, favoriser la biodiversité, garantir un accueil de qualité et pérenniser le développement économique local (artisanat, pêche à pied, agriculture, tourisme durable), le label Grand Site de France a été décerné au territoire de la Baie de Somme.

En 2013, pour affiner la connaissance de la fréquentation du territoire, une nouvelle étude a été lancée. Il s’agissait, sur la base de l’étude réalisée, de réévaluer les flux en s’appuyant sur une méthodologie approfondie, pour mieux servir les projets et dépasser le simple chiffrage sur une année donnée. Le développement des mobilités douces (pédestres et cyclables) engagé dix ans plus tôt a également incité le gestionnaire à ajouter à l’étude une évaluation des dynamiques de mobilité touristique sur le territoire. Quatre pôles nature particulièrement attractifs ont été identifiés comme références pour l’étude. Comptage visuel des visiteurs, observation des moyens de locomotion et enquêtes qualitatives y ont été organisés sur une centaine de journées (tout au long de l’année, à des tranches horaires variables pour favoriser la représentativité).

Des corrélations ont ensuite été trouvées avec d’autres informations disponibles  : les relevés de compteurs routiers permanents, les relevés météorologiques de trois stations, les marées journalières, le calendrier, les données des enquêtes qualitatives. Ce travail de croisement des données a abouti à l’analyse quantitative des flux pour chaque pôle étudié en 2013. Cette méthode, élargie à de nouvelles données, a révélé des indices fiables permettant d’expliquer a minima les pics de fréquentation. Par la suite, un observatoire permettant de prédire et de quantifier les flux a été créé. Le gestionnaire peut désormais anticiper la fréquentation de ses sites en fonction de données considérées comme influant la venue des visiteurs  : la météo, la période (vacances, jour férié...), l’heure, la marée, etc.

Il importe toutefois de préciser ici que la donnée quantitative n’impose aucun dimensionnement précis. En d’autres termes, la demande ne doit pas faire l’offre. Si certains sites naturels connaissent plusieurs pics de fréquentation annuels, les solutions apportées doivent être pondérées ; l’erreur souvent commise est d’apporter une réponse aux seuls problèmes de saturation, qui restent somme toute ponctuels, en sur-aménageant le site qui perd alors tout le caractère qui en a fait sa renommée. La connaissance des flux doit devenir le curseur de l’action raisonnée du gestionnaire.