sortie en montagne

Ca se prépare

 

Espaces naturels n°3 - juillet 2003

Le Dossier

Bob Ciron
Cret
Bernard Commandre
gip Aten
 

« Certes, le risque zéro n’existe pas mais avec un peu de méthode et beaucoup de préparation les risques sont largement maîtrisés », explique Bob Ciron, guide de montagne qui nous fait part de son expérience.

Ce qui me frappe, c’est le nombre d’accidents survenus du fait de vacanciers en quête de sensations fortes. La montagne, surtout l’hiver, n’est pas sans danger. En tant que guide, pourtant, il n’y a guère que 2 à 5 jours dans l’hiver où il me semble déraisonnable de randonner. Avec un minimum de méthode, une connaissance du terrain et de l’histoire de la neige, il m’arrive rarement de renoncer à sortir à ski ou en raquette. Une réflexion rigoureuse est garante d’un niveau de risque très faible. Or, s’il est vrai que le garde d’un parc national connaît les mêmes réalités que les nôtres, il possède également les mêmes atouts, mieux, il n’est pas soumis à certaines pressions, notamment celle d’un client désireux d’atteindre un sommet ou une crête. La méthode du 3X3 (cf. encadré page 10), lui offrira une procédure cohérente et éprouvée d’une réflexion en trois étapes.
Un peu de méthode
La première étape est primordiale. En effet, si les analyses faites lors de la préparation s’avèrent justes, les deux phases suivantes, consistant à corriger les hypothèses de départ, n’en seront que plus aisées. Néanmoins, savoir renoncer ou modifier ses plans lors des étapes 2 et 3 est presque aussi important.
La préparation, c’est-à-dire les décisions définitives se prennent la veille du départ. Après lecture du Bulletin d’estimation des risques d’avalanches (Bera) et de la météo, il conviendra de compléter le tableau des conditions de la montagne en tenant compte de ses propres observations ou de l’avis d’amis récemment sortis. L’utilité d’un tel tableau étant de finaliser son itinéraire ou de voir si la sortie prévue de longue date est adaptée aux conditions. Un risque d’avalanche de niveau 3 ou 4 n’est pas une contre-indication de sortie. En effet, celui-ci ne peut exister qu’au-dessus d’une certaine altitude ou sur des versants bien définis. L’itinéraire peut aussi n’emprunter que des pentes raisonnables, 25° d’inclinaison est la limite admise pour un départ de coulées (attention aux pentes dominant l’itinéraire). La maîtrise de la lecture de la carte et des formes du relief est essentielle à ce niveau.
Le plus important est fait. Achever ses préparatifs passe maintenant par le bouclage du sac. Il est entendu que ne pas se surcharger constitue un facteur de sécurité, à condition cependant de posséder le matériel nécessaire. Outre vêtements chauds, veste et surpantalon imperméables, gants, bonnet et lunettes de soleil, chacun doit avoir un Arva (cf. page 10) mais aussi pelle et sonde. Rappelons que 95 % des victimes d’avalanches dégagées en moins d’un quart d’heure sont vivantes. Ce pourcentage chute brutalement au-delà des quinze minutes fatidiques. L’Arva n’a pas de sens si une heure est nécessaire, faute de pelle, pour dégager un copain.
On n’oubliera jamais, non plus, boussole, altimètre et carte au 1/25 000e du secteur, même si l’on connaît parfaitement le terrain.
Risque d’avalanche
et orientation
Il y a trois ans, au Pic blanc du Galibier, un accident grave (quatre morts) aurait dû être évité. Là, dans un brouillard épais, un groupe, dérivant de 90°, a quitté l’itinéraire classique et sans danger pour s’engager dans une pente raide et instable. Par visibilité nulle, même une personne familière des lieux peut faire la même erreur suite à une mauvaise trace ou à des impressions visuelles toujours erronées. Seule la navigation aux instruments apporte des certitudes.
L’interaction neige instable - visibilité réduite constitue une conjoncture très dangereuse, c’est un cas où il faut savoir renoncer. L’utilisation du GPS apporte un plus indéniable dans la localisation, même s’il ne dispense pas de maîtriser les méthodes d’orientation classiques.
Le dévissage, un danger trop souvent négligé
Et puis, parmi d’autres dangers qui guettent le randonneur hivernal : le risque de dévissage. Celui-ci est trop souvent négligé, assez souvent d’ailleurs pour rappeler qu’en cas de neige dure, il n’est pas vain de poser une main courante à la descente. De même, choisir de gravir une pente raide à pied, plutôt qu’à ski ou à raquette peut éviter bien des conversions acrobatiques et par là même, une chute grave à des compagnons moins expérimentés. On notera d’ailleurs que la méthode du 3X3 prend nettement en compte cette dimension humaine, tout simplement parce qu’elle est fondamentale. Et la corde direz-vous ? Si elle n’est pas indispensable dans une sortie hivernale, il vaut mieux se poser la question de son utilité lors des préparatifs.
Se poser la question lors des préparatifs : voilà la phrase clé. D’ailleurs, s’il n’y avait qu’une chose à retenir, ce serait celle-là : réfléchir avant d’agir.