Xavier Le Roux, Directeur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité

Entre recherche et gestion

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

L'entretien

 

 

 

 

 

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité s’est donnée pour mission de soutenir une recherche d’excellence. L’originalité réside dans la volonté de mettre en adéquation des programmes portés par la communauté scientifique et les attentes des acteurs de terrain. Expliquez-nous l’enjeu de ce positionnement.
L’enjeu ? C’est de donner aux acteurs de la biodiversité des outils pour prévoir et gérer. Nous travaillons par exemple pour modéliser la dynamique de la biodiversité afin de pouvoir établir des scénarios de ses changements et évolutions. De tels programmes phares, extrêmement coûteux, s’inscrivent dans le long terme pour structurer une communauté de recherche. Néanmoins, pour répondre aux attentes des acteurs et gestionnaires qui ont besoin de prendre des décisions, il faut que la recherche produise des résultats utiles sur des temps plus courts : deux à cinq ans.
Nos programmes sont souvent co-construits. Les priorités de recherche ont été pensées par notre conseil scientifique pluridisciplinaire. Celui-ci a dégagé dix axes prioritaires. Ils ont été soumis à la sagacité des acteurs, porteurs d’enjeux de la biodiversité, réunis au sein du conseil d’orientation stratégique. Des gestionnaires d’espaces, de ressources génétiques animales, végétales, des ONG, des entreprises, des collectivités territoriales, des pouvoirs publics ont apporté leurs commentaires et suggestions.

Renforcer le dialogue entre les différents acteurs de la biodiversité constitue donc une fin…
C’est un élément indispensable pour développer de nouvelles stratégies de recherche. Parmi les difficultés à surmonter déjà, tout simplement, le fait de mettre en place les éléments d’un langage commun.
Dans le même but, nous visons à construire des mécanismes efficaces de mobilisation de l’expertise française sur la biodiversité. Pour cela, il faut savoir où sont les pôles d’expertises. Nous créons actuellement une base de données nationale de tous les acteurs recherche de la biodiversité. Qui fait quoi ? Sur quelles thématiques ? Qui travaille ensemble ? Où ? Cette base sera bientôt disponible via notre site web. Notre rôle, c’est d’animer dialogues et débats, de contribuer à coordonner des actions entre différents acteurs.

D’autres programmes ?
Nous menons une expertise sur les aspects juridiques dans le domaine des ressources génétiques. 
Les substances actives de certaines plantes sont utiles pour le secteur de la santé. Mais à qui appartient ce savoir, comment rétribue-t-on le prélèvement de cette ressource ? D’un point de vue juridique, il n’existe pas encore d’encadrement clair au niveau international ni de traduction en droit français. Ces problématiques d’accès aux ressources et de partage des avantages sont à éclairer en mobilisant une large expertise.
Nous sommes aussi en train de produire une synthèse sur les indicateurs des ressources génétiques des plantes cultivées (en commençant par le blé). Un autre programme ? Faire l’état des lieux de la demande et des besoins de formations dans le domaine de la biodiversité. Pour certains métiers, il y a de réelles lacunes.

Un des enjeux de la biodiversité se joue au niveau de l’agriculture…
Le rôle de la Fondation est de comprendre où sont les points de blocage et d’œuvrer sur les points de convergence possibles. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture s’est lancée dans la production intensive pour relever un défi : nourrir la population. Aujourd’hui, elle est face à un nouveau défi : produire en prenant mieux en compte l’environnement et la biodiversité. Cette notion est acceptée par le monde agricole mais celui-ci réclame que l’on considère ses contraintes sociales et économiques. La Fondation a là tout son rôle à jouer. L’année dernière avec l’entreprise « Lu » (les biscuits), nous avons soutenu des projets associant chercheurs et acteurs de terrain pour étudier comment les pratiques agricoles en grandes cultures céréalières peuvent évoluer et mieux intégrer la biodiversité.
En fait, la Fondation se veut être un « assemblier » des acteurs de la biodiversité pour renforcer le dialogue science-société, nécessaire à la mobilisation de l’expertise.