Rencontre avec Daniel Maximin

« Ici, la nature se range du côté des opprimés »

 

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Le Dossier

Moune Poli

 

Romancier, poète et essayiste, né en Guadeloupe Daniel Maximin est en charge de l’organisation de l’année des outre-mers français pour 2011.

Vous aimez dire qu’outre-mer, la nature n’est pas un décor mais un personnage, qu’est-ce que cela signifie ?
Il y a, en Europe, une idée qui consiste à penser que nous pouvons nous rendre maître et possesseur de la nature. L’objet de la réunion des hommes en société est de lutter contre la nature disait-on au 18e siècle. Cette pensée occidentale a émigré vers l’Amérique au moment de la colonisation. Ceci explique la tentative d’exploitation à outrance de la nature au même titre que l’exploitation humaine.
Mais outre-mer, la nature n’est pas perçue de cette manière. Nos sociétés sont un condensé d’humanités venant d’Afrique, d’Europe, d’Asie, d’Amérique ; elles sont constituées d’une humaine diversité construite sur l’esclavage, la traite, les immigrations diverses. Nous avons vécu l’aliénation de l’homme, tandis que la nature subissait la même exploitation avec la monoculture et l’utilisation à outrance de ces ressources sans se préoccuper de sa protection.
Aussi dans le combat des révoltés, la nature est-elle perçue comme étant du côté des opprimés ; contre l’oppresseur. C’est elle qui offre le refuge, les fruits, la chaleur. La nature était le lieu d’accueil des résistances. Elle participe à notre histoire et elle est célébrée comme une alliée. À ce titre, c’est un personnage avec lequel s’est installé une connivence. Les peuples de Caraïbes ne peuvent oublier que tout doit être fondé sur une alliance entre la biodiversité naturelle et humaine.

Il y aurait outre-mer une conscience plus « juste » du rapport à la nature ?
L’outre-mer est traversé par des contradictions. Car au fond, c’est bien un modèle européen d’exploitation de la nature lié à l’exploitation de l’homme qui a été imposé. Ce modèle génère des contradictions avec celui de résistance contre les systèmes oppresseurs.
Que voulez-vous, les peuples ne sont pas naturellement écologistes et parfois l’ancienne victime reproduit les modalités de l’oppresseur…
Mais ici la nature n’est jamais considérée ni comme une personne faible et fragile qu’il faudrait protéger contre la puissance de l’homme, ni comme un ennemi à dompter ou à abattre.
Elle offre l’image de la vitalité, car même ses cataclysmes font partie de la vie. Le volcan par exemple est le créateur de l’île au milieu de la mer. Il y a un vrai respect de la force de cette nature. Un respect que traduit fort bien cette pensée amérindienne : « Le cyclone vient détruire tout ce qui n’aurait pas dû être construit. »