avec Laurent Godé, Responsable environnement au Parc naturel régional de Lorraine où il a travaillé à la modernisation des Znieff

Trente ans pour les Znieff

 
« Construire maintenant un inventaire dynamique »
L'entretien

Moune Poli
Rédactrice en chef

 

Les Znieff sont des outils tournés vers la connaissance du patrimoine naturel, c’est à la fois fondamental et dérisoire. Quelle est leur efficacité si elles ne sont pas juridiquement opposables ?
À l’épreuve des faits, on s’aperçoit que le caractère juridique des Znieff n’est pas entièrement négligeable. En effet, les espèces inventoriées sont des espèces protégées ; ainsi, par exemple, le déboisement d’une de ces zones peut être condamnable dans la mesure où il porte préjudice aux espèces qui y vivent.
On peut noter aussi que les études d’impact liées aux documents d’aménagement doivent prendre ces zones en considération. Un PLU pourrait être invalidé pour ne pas avoir respecté cet impératif. Cependant, c’est vrai, une commune peut très bien décider de construire un lotissement sur une Znieff si elle considère qu’il n’impactera pas la qualité des habitats. Elle peut aussi proposer une compensation.

Y a-t-il des cas où les Znieff se sont révélées très protectrices ?
Il y a un cas de figure que les gestionnaires de parcs naturels régionaux connaissent bien, il est lié à la nécessité de rendre compatibles les documents d’urbanisme avec la charte du parc. Dès lors que celle-ci protège les Znieff, cela devient incontournable. Il est aussi d’autres cas de figure. Je pense au Schéma d’aménagement de la Corse qui a rang de directive territoriale et qui a rendu les Znieff de type 1 inconstructibles. Les politiques départementales ou régionales peuvent également être l’occasion d’intervenir. Dans le cadre d’un schéma de cohérence territorial (Scot) écologique, l’administration pourrait donner un avis négatif sur tout projet impactant une Znieff. Beaucoup de départements corrèlent d’ailleurs leurs espaces naturels sensibles (ENS) aux périmètres des Znieff. L’impact est grand, même si les ENS ne sont pas des zones de protection stricte.

L’inventaire des Znieff a trente ans. Est-il toujours valable ?
La modernisation est en route. Les premières Znieff ont été définies par des comités d’experts régionaux. Chacun d’eux proposait, validait (la majorité entre 1984 et 1990), suivait les Znieff, sans méthodologie précise, reconnaissons-le.
Depuis 2007, un grand pas a été fait puisque le MNHN a arrêté un document méthodologique permettant de définir objectivement les périmètres.
Concrètement : autour de la biologie des espèces déterminantes qui composent la Znieff. Certaines régions ont alors entrepris un suivi de leur inventaire Znieff. Cette modernisation devrait se généraliser dans les années à venir.

Quelle est la philosophie de la modernisation en cours ?
À l’inverse de la cartographie, figée, antérieure, elle est dynamique, ce qui suppose la mise en place d’une veille constante de certains groupes taxinomiques. Ainsi, par exemple, elle cherche à savoir si la Znieff existe toujours ou encore si elle peut se reconstituer. Elle devrait aussi inventorier des Znieff potentielles, qu’un autre groupe taxinomique pourrait coloniser. Devant ce fort enjeu, espérons que l’État y consacre des moyens.

Les Znieff se sont-elles révélées outil de sensibilisation du public à la biodiversité ?
La plupart des parcs naturels régionaux l’utilisent dans le cadre de constitution de documents d’urbanisme. Ils font des porter à connaissance. Quelquefois, cela passe mal. D’autres fois, c’est plus aisé. Sur le territoire de Chevreuse par exemple, les communes souhaitaient avoir des Znieff afin de posséder des arguments pour contrer des urbanisations excessives ou des extensions « lourdes ». Les Znieff sont aussi utilisées comme support de sensibilisation du public. Elles permettent de montrer et de faire valoir des cœurs de nature bien identifiés.

En tant que gestionnaire, que retenez-vous de cet outil ?
Il a permis la naissance de comités scientifiques régionaux du patrimoine naturel, lieux d’échange interdisciplinaire. Les Znieff sont également le support qui nous permet d’identifier les qualités emblématiques du patrimoine naturel d’un territoire et nous ne manquons pas de nous en servir. •