Réserve naturelle géologique de Saucats-La Brède

Notre démarche pour intégrer les animateurs saisonniers

 
Entretien avec Yves Gilly, RN Saucats-La Brède

Espaces naturels n°31 - juillet 2010

Management - Métiers

Moune Poli

 

L’équipe de la Réserve naturelle géologique de Saucats-La Brède invente le référentiel de son métier : « Éduquer à la géologie d’un site protégé ». Rencontre avec Yves Gilly, conservateur.

Des milliers d’enfants, entre 6 000 et 7 000 scolaires par an, fréquentent la Réserve naturelle géologique de Saucats. Le site est attractif, il « colle » aux programmes des 5e et des lycées. Des enseignants et universitaires se sont d’ailleurs impliqués dans la conception de sorties pédagogiques.
Victimes du succès, les sept personnels permanents de la réserve ne peuvent suffire aux besoins d’encadrement éducatif. En réponse, l’organisme gestionnaire recourt à l’emploi de vacataires. À l’automne comme au printemps, ce sont deux à quatre personnes qui viennent prêter main-forte aux animateurs.
Conservateur de la réserve, Yves Gilly a vite été confronté aux questions liées à la qualité de l’accueil. Il explique : « La rencontre des publics est un moment fort. Nous sommes donc attentifs à préserver sa qualité et à ne pas céder aux sirènes d’un brassage quantitatif.

Historiquement, nous embauchions des personnels par cooptation et nous demandions aux permanents d’assurer leur suivi.
Globalement, cela fonctionnait, mais sans méthodologie précise et sans contenu défini. En fait, ces “conduites accompagnées” dépendaient du tuteur et ne mettaient pas nécessairement en exergue les pans importants de gestion, de réglementation ou de l’état de la recherche. Par ailleurs le discours n’était pas en lien avec une connaissance fine de la réserve.
Depuis trois ans, nous avons pris du temps pour réfléchir : que devons-nous apporter aux personnels vacataires ? Réponse difficile. D’autant que notre spécificité professionnelle (éduquer à la géologie sur un site protégé) n’a pas de référentiel métier.

Nous avons donc fait appel au directeur du Graine Aquitaine (notre réseau d’éducation à l’environnement) et, avec lui, l’équipe des sept permanents a construit des outils d’évaluation visant à définir les missions confiées aux animateurs temporaires et à faciliter leur intégration.
Six temps de travail nous ont permis de construire un référentiel touchant à nos missions, compétences et savoirs spécifiques.
Surprise ! Nous focalisions sur l’animation, or nous avons découvert combien il était important d’avoir un assez fort niveau scientifique. La géologie, la biologie, l’évolution, la géographie sont des prérequis que nous ne considérions pas jusque-là à leur juste valeur.
Aujourd’hui, cela se traduit par des réflexes à l’embauche : un CV typé par une formation universitaire attire notre attention même si, pour nous satisfaire, il doit être abondé d’une pratique en animation. Notre rôle d’accompagnement est aujourd’hui davantage tourné sur l’apport de connaissances propres au milieu de la réserve ou encore sur l’utilisation des outils pédagogiques et sur l’encadrement du groupe.

Ce cheminement mental nous a conduits à ouvrir un chantier visant à homogénéiser nos pratiques et discours.
Jusque-là par exemple, chaque animateur répondait aux questions du public relatives au changement climatique en fonction de sa culture personnelle. Nous avons travaillé à un discours commun.
Cette démarche a eu des retombées surprenantes, notamment une envie de formation permanente de la part des salariés. Pour l’accueil et la formation des saisonniers, notre référentiel a un aspect directement opérationnel. Nous sommes aujourd’hui en mesure de savoir quelles compétences leur manquent, nous permettant ainsi de cibler notre accompagnement pendant la première semaine de travail.

Par ailleurs, en s’appuyant sur ce référentiel, nous avons mis en place une grille d’évaluation des actions menées par les animateurs. Ainsi nous vérifions qu’une visite de trois heures a donné lieu à un temps d’introduction, un temps d’observation, un autre de manipulation du matériel pédagogique, pour finir par un moment d’échange autour d’une démarche scientifique afin que le public se pose des questions et formule des hypothèses.
L’animateur se saisit de cette grille pour vérifier qu’il a bien répondu à ses objectifs et qu’il s’est donné les moyens de les atteindre. L’échange avec le saisonnier peut se faire autour de cette grille.
Le temps du bilan viendra. Mais nous nous sentons armés pour intégrer de nouveaux vacataires. »