avec Patrick Masure, Délégué patrimoine naturel à la Fondation du patrimoine

« Notre engagement auprès des gestionnaires doit être déterminant pour leur projet. »

 

Espaces naturels n°36 - octobre 2011

L'entretien

Moune Poli

 

Après dix ans d’existence, la Fondation du patrimoine a élargi son activité à la sauvegarde du patrimoine naturel. Un progrès ?
La Fondation a saisi une opportunité. En 2006, l’État réfléchissait à la mise en place d’un label fiscal spécifique au patrimoine naturel. Cela pouvait constituer un levier d’action permettant d’investir un domaine de compétence imposé par la loi. Pendant les dix premières années de son existence, la Fondation avait eu fort à faire pour installer son réseau de délégués dans tous les départements et traiter sa priorité : la protection du petit patrimoine rural.

Avec 100 000 euros en 2009 et 150 000 euros en 2010, votre budget pour le patrimoine naturel reste modeste au regard de celui pour la sauvegarde du patrimoine bâti.
Je ne pense pas que le patrimoine naturel puisse être considéré comme le parent pauvre. Aujourd’hui, il y a un délégué national au patrimoine naturel et nombre de délégués départementaux se sentent concernés par ce thème complètement nouveau pour la Fondation. Simplement, les choses évoluent progressivement, elles vont continuer à évoluer.

Comment définissez-vous le patrimoine naturel et quels sont vos critères de sélection des projets ?
Je ne suis pas un spécialiste de la question. Je me réfère donc aux zones éligibles au label Espace Naturel : les sites classés, Natura 2000, les Znieff, les réserves naturelles… Ceci dit, les critères de sélection sont liés à la façon dont la Fondation conçoit cette mission. Il est souhaitable que son rôle soit déterminant. Aussi, répondons-nous présents quand, sans aide, le gestionnaire risquerait de se trouver en difficulté. Cette aide ne dépasse jamais 50 % du montant d’un projet, se situant de préférence dans une fourchette de 20 à 25 % de celui-ci. Entre 5 000 et 15 000 euros selon le dossier. Par ailleurs, la Fondation privilégie les projets qui développent un volet social. En revanche, elle ne finance ni les acquisitions foncières, ni les budgets d’exploitation. Ses interventions se limitent aux travaux exceptionnels : le gros entretien, la réhabilitation…

Auriez-vous des exemples ?
Récemment, la Fondation s’est engagée sur la sécurisation d’un habitat de chiroptères, au nord de Paris, afin que les chauves-souris ne soient pas dérangées par des visites inopportunes. Ce patrimoine vivant n’apportera pas un centime, à personne, et si la Fondation n’intervenait pas, personne d’autre n’interviendrait. A contrario, un projet visant à sécuriser un site touristique n’a pas été soutenu. Celui-ci était effectivement classé mais à l’analyse, il a semblé que la commune ou le département pouvaient prendre en charge ces travaux, qu’ils en retireraient des retombées touristiques.

Quelle est votre feuille de route pour les années à venir ?
Il convient de réfléchir à la réforme du label fiscal qui, tel qu’il existe, n’est ni incitatif, ni performant. D’ailleurs depuis sa création, il n’a été demandé, et accordé par la Fondation, qu’à un seul propriétaire privé : un forestier. Le bénéficiaire déduit de son impôt 22 % des dépenses engagées dans la limite de 2 200 euros par an et avec une possibilité de report sur six ans.
Il serait judicieux d’augmenter les zones éligibles, par exemple d’y intégrer les parcs naturels régionaux. La création d’un prix pour la sauvegarde des races domestiques animales est à l’étude. Aujourd’hui, en France, tout le monde a les mêmes moutons, oies, vaches, chevaux… Ce prix pourrait récompenser les éleveurs qui tentent de sauver des races rustiques. La Fondation vient d’ailleurs de financer une opération de pâturage forestier avec le mouton des landes.

Qu’en est-il du mécénat ?
Sur ce point, je ne suis pas encore bien satisfait. Je pensais qu’il serait plus facile de défendre la cause de la biodiversité mais cela reste souvent une simple incantation.  

Qu’est-ce qui, à l’inverse, vous semble un point de réussite ?
Nous avons financé dix actions en 2009, vingt-deux en 2010. Nous mettons un point d’honneur à être très réactifs. En moins de trois mois, le gestionnaire sait s’il peut, ou non, compter sur l’argent de la Fondation.