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Une réserve naturelle à fort potentiel humain

 
Le Parc ornithologique du Marquenterre diversifie ses publics
Accueil - Fréquentation

Moune Poli

 

Accueil du public et éducation à l’environnement : plutôt que de développer les infrastructures, le Parc du Marquenterre a choisi de travailler à élargir les différents types de publics et à développer une relation humaine qualitative. Ce challenge managérial suppose une ouverture d’esprit entretenue par la curiosité des personnels et la mise en œuvre inventive d’initiatives.

Quelques kilomètres à pied et c’est l’immersion en nature. Ici, sur les 200 hectares terrestres du Parc ornithologique du Marquenterre, la présence humaine ne gêne plus les oiseaux. Ils s’y sont habitués et il est loisible de les observer à partir des postes installés tout au long d’un parcours de six kilomètres.
Depuis 1973, date de sa création, le parc, propriété du Conservatoire du littoral et réserve naturelle nationale, suit des visées pédagogiques. Cinq guides naturalistes permanents (treize en saison) ont mission de répondre aux questions du visiteur et de l’éclairer sur les enjeux de protection de l’environnement. Le site reçoit chaque année quelque 150 000 personnes. La moitié participe à des circuits commentés.

Accessible à tous. Aussi évident que cela puisse paraître, la première condition pour qu’il y ait qualité relationnelle, c’est qu’il y ait relation. Mais, au-delà des gens en pleine forme et susceptibles de parcourir trois kilomètres à pied pour accéder à la partie maritime du territoire et découvrir ses trésors, une question subsiste : comment permettre aux autres, âgés ou handicapés, de partager ce patrimoine ? Car il faut bien l’admettre : malgré d’importants efforts pour l’aménagement des sentiers d’observation, l’accès des personnes à mobilité réduite reste nettement à améliorer.
À tâtons, il y a trois ans, une piste mûrit. Elle consiste à se tourner vers l’histoire : « Comment on faisait, avant, pour se rendre dans ces espaces du bout du monde ? » La mémoire s’est perdue et personne ne sait répondre mais des recherches du personnel de la réserve, notamment sur d’anciennes cartes postales, montrent qu’au 18e siècle l’activité de ramassage des coquillages ou du goémon utilisait des carrioles tirées par des chevaux de trait boulonnais.
L’idée semble simple à appliquer mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Il faut trouver des chevaux, savoir où les héberger, qui va s’en occuper (365 jours par an), les éduquer à travailler ensemble. Il convient aussi d’acheter des roulottes, de les entretenir… et de trouver des cochers capables de travailler en attelage.
Sans doute la volonté était-elle la plus forte ; une à une les étapes sont franchies. Deux cochers issus de l’école de formation à l’attelage à Conty (à 60 km) sont embauchés. Ils ont un diplôme de cocher conteur et une expérience de travail auprès des chevaux de trait. « Deux entretiens d’embauche, l’un dans leur écurie, l’autre sur la réserve, seront destinés principalement à jauger leur valeur humaine. Il fallait qu’ils aient la fibre “nature” et qu’ils soient capables de travailler avec les guides », développe Philippe Carruette, responsable pédagogique de la réserve. « En effet, il ne s’agit pas de sorties en calèche mais de visites guidées : lors de chaque sortie, les deux personnels sont présents dans la voiture. »
Forts de leur compétence, les cochers ont été chargés d’acheter six chevaux de trait et deux calèches. « Quelle galère ! Quelle galère pendant deux ans ! », se rappelle Nathanaël Herrmann, responsable du projet. Depuis avril 2006, des visites naturalistes tractées par des chevaux sont organisées sur la partie maritime de la réserve naturelle : huit kilomètres de plage en accès uniquement piétonnier. Deux véhicules transportant huit personnes chacun partent ainsi, chaque jour, à la découverte de l’écosystème estuarien.
De nombreux contacts réguliers s’organisent avec des instituts médicaux éducatifs et centres spécialisés. Lors des deux dernières fêtes de la nature, 130 personnes, résidentes des maisons de retraite du littoral, ont été accueillies de cette manière. La doyenne des groupes avait 97 ans.

Entretenir la qualité. Mettre en avant la qualité relationnelle comme projet d’entreprise interpelle le manager de l’équipe : comment faire pour entretenir cet état d’esprit et ne pas s’inscrire dans la routine ? Philippe Carruette explique qu’il faut continuer, toujours, à rechercher des idées nouvelles en prise avec le terrain. En fait, le but, est de faire adopter à son équipe une posture de recherche et d’écoute. En mai 2007, le personnel a mené une réflexion sur l’accueil des personnes déficientes sur le plan visuel. Après de multiples visites aux associations locales et nationales, des paraboles et des casques sont adoptés. Sur le terrain, l’audition prend alors le premier rôle. La parabole qui amplifie les sons permet d’en déceler certains au milieu d’autres. Simple mais très efficace !
Le billet d’entrée1 nous permet de financer des activités telles les visites en calèche, qui restent déficitaires. Mais nous ne développons pas d’activités commerciales : notre atout maître, c’est la valeur humaine.

1. 9,90 euros, hors promenade hippomobile.