avec Guillaume Sainteny, Président du groupe de travail sur l’impact des aides publiques sur la biodiversité

Les aides publiques dommageables à la biodiversité

 
« Le porté à connaissance du rapport sera décisif »

Espaces naturels n°37 - janvier 2012

L'entretien

Moune Poli

 

Regarder l’économie du point de vue de la biodiversité relève d’un changement de paradigme. Fondamental ! Mais cela donne peu de chance d’aboutir aux mesures préconisées…
La nouveauté dans ce rapport est qu’il analyse l’impact négatif des subventions publiques sur la biodiversité. C’est effectivement assez peu habituel.
Mais détrompez-vous, le rapport a été bien reçu. Le ministère de l’Écologie semble désireux d’avancer à court terme sur certaines mesures. Les représentants des entreprises privées du groupe de travail ont approuvé le rapport même s’il est vrai qu’il doit « infuser ».

Vous constatez une artificialisation grandissante des surfaces.
Nos terres disparaissent à un rythme inégalé en Europe. Tous les sept ans, c’est l’équivalent d´un département qui est absorbé par les zones urbanisables. Or aujourd’hui, certaines aides au logement encouragent l’étalement urbain. C’est le cas des prêts à taux zéro qui sont appliqués en zones périurbaines ou encore aux dispositifs de réduction d’impôt tel Scellier. A contrario, nous préconisons le recentrage de ces dispositifs sur l’intraurbain ou à proximité des transports collectifs et la suppression de la possibilité d’exonérer de 50 % de la taxe d’aménagement les maisons individuelles bâties en milieu diffus et ayant bénéficié de l’écoprêt.

Vous notez aussi une simplification des paysages…
Celle-ci se manifeste par une réduction des milieux semi-naturels et la mise en place d’écosystèmes simplifiés. Or certaines subventions favorisent cet état de fait.

La surfréquentation est également une question qui préoccupe les gestionnaires d’espaces naturels…
Je n’aurais pas la prétention d’expliquer ici l’ensemble des mesures du rapport. Je peux vous dire que, pour les zones sensibles, nous préconisons que la taxe de séjour soit réévaluée et modulée en fonction de la sensibilité des milieux naturels et des pics de fréquentation touristique.

Qu’en est-il des réformes en matière d’usages agricoles ?
Nous suggerons que soit révisée la structure de taxation des facteurs de production via une baisse des charges sociales et de la fiscalité sur le foncier non bâti. Ceci pouvant être partiellement compensé par une augmentation de la fiscalité sur les intrants potentiellement négatifs pour la biodiversité (dès lors que les engrais, les produits de traitement des cultures, etc. sont utilisés de façon excessive ou inappropriée). J’ajouterais qu’il serait utile de soumettre les engrais et produits phytosanitaires au taux normal de TVA.

Des hectares de photovoltaïque sont en train d’artificialiser nos milieux agricoles et naturels…
Les impacts sur la biodiversité devraient être pris en compte au moment de l’implantation des fermes et de la fixation des tarifs de rachat (au même titre que ceux sur le CO2). Pour les éoliennes, nous recommandons des implantations préférentielles sur les décharges ou sites pollués… Mais je vous invite à lire l’ensemble du document. Ce que j’en dis ici est si partiel. Je peux ajouter que la France est loin de consommer les crédits dédiés aux politiques de préservation de la biodiversité comme le fonds communautaire Life Nature.

Les gestionnaires d’espaces naturels auraient un rôle à jouer dans le porté à connaissance ?
Nombre de propositions relèvent de la fiscalité locale : taux, assiettes, affectations, exonérations, abattements. Certaines subventions sont également versées par les collectivités (drainage, irrigation, routes...) or les élus n’ont pas toujours conscience des effets dommageables de ces subventions. Les gestionnaires d’espaces naturels sont au contact avec eux. •

Télécharger le rapport : http://bit.ly/rsLMGKguillaume.sainteny@orange.fr