Prélever des espèces dans les espaces protégés
Espaces naturels n°37 - janvier 2012
Dominique Aubonnet
Chargée de mission RNF Éducation à l'environnement
Peut-on effectuer des prélèvements d’espèces dans les espaces protégés ? Éternel débat… Examinons ce qui se passe dans les réserves naturelles, sites d’exception protégeant des espèces rares et parfois en voie d’extinction. Celles-ci accueillent plus de six millions de visiteurs par an. Les propos de Louis Espinassous ouvriraient la voie au prélèvement de dizaines de millions de larves de torrents, de millions de sorbiers aux branches tailladées… À quoi rimerait alors la protection réglementaire ?
Sous couvert d’expériences sensorielles, intenses et joyeuses, peut-on se permettre de dénaturer ces milieux fragiles déjà si souvent mis en péril par les activités économiques et industrielles qui les côtoient ?
Comment un enfant, voire ses parents, peuvent-ils juger que leurs actes sont supportables pour le milieu ? Comment peuvent-ils connaître l’indice d’abondance des plantes qu’ils jugent « banales » ou des insectes qu’ils pensent pouvoir être prélevés ? Ceci reste l’apanage des scientifiques qui effectuent des suivis de populations suivant des protocoles bien précis, et travaillent sur ces espaces protégés en concertation étroite avec les éducateurs nature pour que l’impact de la fréquentation soit le plus minime possible. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas à se poser la question « Puis-je faire prélever ou non ? » : la nature même de leur travail est de respecter et faire respecter la réglementation.
Les réserves naturelles sont des espaces où l’on peut vivre des moments forts de silence, de contemplation et d’émerveillement, mais aussi d’éducation sensorielle dans le respect total de la faune et de la flore, en adéquation avec la réglementation du site.
Ces zones protégées ne couvrent que 250 000 hectares du territoire français métropolitain, soit moins de 1 % de la surface totale… Quel intérêt peut-il y avoir à effectuer des prélèvements pédagogiques à l’intérieur des espaces réglementés et non dans leur périphérie, la plupart du temps tout aussi intéressante à prospecter ?
Oui, on peut faire « toucher » la nature ailleurs que dans les zones de repos et de reproduction de la faune. Durant leurs interventions sur le terrain, les éducateurs font voir, toucher les différentes matières végétales, mais aussi sentir les parfums qui s’en dégagent, en froissant doucement quelques feuilles tout en laissant les plantes sur pied, en reposant délicatement dans le ruisseau la pierre sous laquelle se cachent les larves d’éphémères. La notion d’émerveillement éducatif prend ainsi le pas sur celle de prélèvement éducatif. Cette éducation sensorielle est une belle marque de respect de la vie à transmettre aux enfants, en totale conformité avec la réglementation des sites concernés. •