Méthodes pour une pédagogie

Animation : mettez les chances de votre côté en pratiquant l’alternance

 

Espaces naturels n°37 - janvier 2012

Le Dossier

Hervé Brugnot La Roche du Trésor
Éducateur à l'environnement Formateur CPIE Bresse du Jura

 

Reproduire la même animation quel que soit le public est un non-sens. Pour toucher un maximum de personnes, une diversité d’approches pédagogiques s’impose, à chaque séance.

Animateur, pédagogue, guide nature… la tentation est grande de reproduire régulièrement la même animation quel que soit le public dont nous avons la charge : de prendre le même chemin, de raconter la même histoire, d’utiliser les mêmes outils. Ce type de situation nécessite, en effet, peu de préparation et offre la garantie de retrouver les mêmes éléments naturels en face desquels notre discours et notre attitude sont rodés. Et si la météo vient parfois nous perturber, si un public inhabituel peut quelquefois être source d’inquiétude, globalement l’activité bien « calée » nous rassure et nous réconforte.
Cette même séance reproduite maintes et maintes fois s’adresse pourtant à des publics divers : des adultes, des adolescents, des enfants, des personnes pleine d’énergie ou d’autres, fatiguées, des intellectuels ou plutôt des manuels, des rationnels ou des rêveurs, des personnes en formation professionnelle ou des vacanciers… on imagine bien que cette séance sera différemment reçue, avec une performance éducative diverse pour chacun d’eux.
A contrario, animer et éduquer, c’est s’adapter. Capter l’attention de chacun et chacune suppose d’intégrer une diversité d’approches pédagogiques et
de les décliner tout au long d’une
même séance. Pour cela, il convient tout d’abord de saisir ce qui fait la diversité des publics.

1. Appréciez la diversité des publics

Visuels. Auditifs. Kinesthésiques. Certaines personnes sont plutôt visuelles, d’autres auditives ou encore kinesthésiques (sens du toucher). Ainsi, sur le terrain, certaines favoriseront (inconsciemment) l’écoute, tandis que d’autres comprendront mieux en regardant ou en touchant. L’activité éducative devrait donc intégrer ces différents modes de perception et l’animateur prendre garde à user d’un peu de parole, de quelques images ou observations, de choses à toucher (l’odorat et le goût ne sont bien sûr pas à exclure).

Cerveau droit ou cerveau gauche. Certains hommes sont « cerveau droit », d’autres « cerveau gauche ». En clair : pour leur apprentissage, certains d’entre nous privilégient l’analyse intellectuelle et le raisonnement tandis que d’autres usent prioritairement de l’imaginaire et du créatif. L’animateur averti jouera donc de mélange : une dose de science et de rationalité, une pincée de légende et d’imaginaire…

Solitaire ou collectif ? Autre diversité, certains d’entre nous aiment se relier aux autres, échanger, discuter, être au milieu du monde. D’autres, plus discrets, préfèrent soit la solitude, soit ne rencontrer que peu de personnes à la fois. Pour ces derniers, pas de chance, pendant une sortie nature, nous sommes en groupe ! Quoique… Ne peut-on pas, au cours de la séance, proposer des activités à faire par petits groupes, par deux, voire seul !

Acteurs ou contemplatifs ? Il convient également de considérer les contemplatifs et les acteurs. L’acteur est plus souvent frustré en écoutant ou en regardant passivement un guide. Il faut donc le mettre en situation de faire, d’agir. Il peut aussi fabriquer, construire, créer. En somme, participer.
Bien sûr, tous ces personnages ne rentrent pas dans des boîtes aussi facilement. En effet, nous sommes un peu tout cela à la fois, et nous changeons même de mode de fonctionnement au cours de la journée. Retenons cependant que les personnes que nous rencontrons n’ont pas toutes les mêmes besoins, les mêmes envies et les mêmes compétences, et que la transmission d’un message pédagogique ne peut être efficace sans tenir compte de cette diversité.
À nous de prendre garde de construire des animations variées, alternées, rythmées afin que tout un chacun puisse y trouver son compte.

2. Mélangez les approches pédagogiques

En éducation à l’environnement, il existe une diversité d’approches pédagogiques, lesquelles peuvent en partie répondre à cette problématique de diversité des publics. La liste qui suit vise à montrer la diversité des moyens à notre disposition pour relier notre public à la nature. Certaines approches sont dites sensibles, d’autres pragmatiques, d’autres encore font appel aux ressources physiques ou ludiques.

L’approche artistique. Créer dans et avec la nature. En faisant du land-art avec ce qui nous entoure, des feuilles d’automne deviendront une palette très riche pour fabriquer au sol un mandala, des pierres plates deviendront un cairn à l’équilibre incertain. Faire de la musique avec des éléments naturels, mimer et jouer de petites saynètes au milieu de la forêt. La nature devient ici un fabuleux moyen d’expression.

L’approche sensorielle. Son but : éveiller les sens et permettre à chacun de ressentir pleinement son environnement proche. Il existe une multitude d’activités comme découvrir un arbre les yeux bandés, écouter les sons de la nature, ou encore composer des odeurs forestières…

L’approche par l’imaginaire. Histoire, poème, conte : permettre la rêverie. Flâner quelques instants sans stress ni empressement. Changer son regard au monde. S’imprégner de nature. L’écriture sera souvent un merveilleux moyen de développer son imaginaire.

L’approche symbolique ou tribale. Les activités prennent ici la forme de petits rituels, on se déconnecte de notre culture habituelle pour devenir une tribu. Celle-ci se donne un nom, fait une offrande à la forêt ou danse autour du feu. Souvenir inconscient de nos racines. Un lien intime se crée avec la nature qui redevient magique aux yeux des participants.

L’approche scientifique. Contrairement aux approches précédentes qui étaient en référence avec le sensible, cette approche est plus pragmatique. Il s’agit de comprendre par l’expérimentation, d’utiliser des instruments de mesure, d’analyser, de se questionner. La démarche est rigoureuse, mais peut aussi se décliner en bricolage, essais et découverte.
L’approche naturaliste. Découvrir la faune, la flore, les roches, le ciel, observer, identifier. Cette façon d’appréhender la nature est une des plus anciennes et des plus classiques. Cette approche est souvent riche en émotions, face au bouquetin, à quelques mètres ou au renard à l’affût.

L’approche manuelle. Trop souvent oubliée, l’activité manuelle en pleine nature est très riche d’apprentissages : construire un mur de pierres sèches, fabriquer des nichoirs puis les installer, creuser une mare pour attirer la vie, bricoler des jouets-nature, jardiner. Retrouver le goût de l’effort et de l’action concrète. Développer l’intelligence des mains !

L’approche corporelle ou sportive. Randonnées, VTT, raquettes, accrobranche, canoë-kayak… Ces activités peuvent devenir un vecteur de découvertes. L’objectif n’est pas le sport pour lui-même mais un moyen de se mettre en contact physique avec la nature.

L’approche ludique. Utiliser l’amour du jeu pour faire découvrir ou comprendre la nature. Le jeu de rôle permettra d’apporter quelques connaissances écologiques difficiles à observer sur le terrain : la chaîne alimentaire, le cycle du carbone, la photosynthèse…
De grands jeux classiques peuvent aussi être adaptés.

3. Fabriquez votre sortie en mélangeant le tout. Inventez vous-même votre animation. Vous toucherez un maximum de personnes.