>>> Parc naturel régional Scarpe-Escaut

Une collecte volontaire

 
des déchets agricoles

Espaces naturels n°4 - octobre 2003

Aménagement - Gouvernance

Salomon Brodier

Moune Poli

 

Que faire des huiles usagées, pneus, bâches plastiques... Réunie régulièrement et depuis 1998, la commission agricole du Parc Scarpe-Escaut, s’est penchée sur la question. Résultat, cinq ans plus tard, une collecte est mise en place à titre expérimental et le Conseil régional envisage d’organiser une collecte systématique pour l’ensemble de la filière.

Le problème, on le connaissait : des tonnes de pneus récupérés chez les garagistes et utilisés par les agriculteurs pour maintenir les bâches ; ces pneus, aujourd’hui dangereux pour la production agricole, sont stockés ou brûlés illégalement en produisant une fumée toxique. Il y avait déjà un certain nombre d’années qu’à travers la commission agriculture et environnement, les agriculteurs et le Parc travaillaient ensemble sur la notion du territoire et sur l’aménagement paysager des exploitations agricoles. Or, un jour de 1998, le problème est arrivé sur la table : que faire des pneus, et des huiles, et des bâches d’ensilage... Le Parc se saisit de la question et l’idée d’une collecte se fait jour. Les gestionnaires du Parc travaillent de concert avec la chambre d’agriculture, la région, l’Ademe... Ils cherchent des solutions pratiques à la mise en œuvre de cette collecte.
« L’existence de la commission agricole sera sans conteste une condition de la réussite, souligne Christelle Parmentier, chargée de mission agriculture environnement. À travers cette instance de concertation, nous sommes renseignés sur les problèmes et les attentes des agriculteurs du territoire. Nous pouvons également, facilement et directement, communiquer avec l’ensemble des exploitants grâce au fichier complet de leurs coordonnées ».
L’enquête
Les écogardes du Parc mènent alors l’enquête auprès de 72 agriculteurs : sont-ils prêts à participer, à quelles conditions ? Les résultats révèlent l’ampleur du problème. Le territoire du Parc rassemble environ 450 exploitations agricoles d’une surface moyenne de 42 hectares. Or leur activité génère de plus en plus de déchets, notamment depuis une trentaine d’années avec le développement de la plasticulture. On estime respectivement à 49 et 79 tonnes la production annuelle de bâches plastiques et d’huiles usagées. En ce qui concerne les pneus usés, on en dénombre chaque année 1 500. Quant aux déchetteries, elles ne couvrent que treize communes sur les quarante-huit du territoire.
Mais l’enquête révèle également le manque d’information législative relative à l’élimination des déchets. La première action du Parc sera donc la publication d’un opuscule destiné à combler ce manque.
« Cette enquête a été déterminante en matière de communication, mais c’est elle, également, qui a permis de faire démarrer une véritable concertation Parc/agriculteur » explique Michael Housseaux alors responsable au Parc régional.
En effet, 80 % des agriculteurs se disent prêts à participer à une collecte. Le Parc envisage alors sa mise en œuvre en s’inspirant d’opérations menées dans les monts du Lyonnais et basées sur le principe de l’apport volontaire des déchets plastiques par les agriculteurs au point de collecte.
L’aspect pratique
Le parc s’engage alors dans une phase plus pratique et cherche des partenariats du côté de la chambre d’agriculture, de l’Ademe, de la Région Nord-Pas-de-Calais afin de subventionner l’opération que les élus souhaitent expérimentale. Le parc lance l’appel d’offres et retient la société Malaquin. Officiellement mise en place en 2000, l’aspect pratique se décline par la mise à disposition des agriculteurs volontaires d’un équipement complet comprenant un conteneur, un fût, un kit de protection, ainsi qu’une plaquette d’information sur les déchets et leurs filières de traitement. La collecte s’effectue au porte-à-porte, une fois par an pour les bâches et les pneus. Les huiles usagées sont collectées gratuitement (minimum 600 litres) par les sociétés de ramassage intervenant à l’échelon régional.
Chacun des participants signe une convention pour cinq ans avec le Parc. Cet engagement comprend une participation financière de 50 % du coût de la collecte à hauteur de 38 euros par an.
Difficultés
Les résultats palpables ne se font pas attendre. En 2000, 73 exploitants agricoles volontaires participent à l’opération. 4 tonnes de pneus et 6 tonnes de bâches sont collectées. En 2002, on compte 90 agriculteurs volontaires. 14 tonnes de pneus et 7,6 tonnes de bâches sont ramassées. En 2003, une centaine d’agriculteurs participent à l’opération. Paradoxalement, c’est le succès de la démarche qui fait s’interroger gestionnaires et agriculteurs. Le problème principal à résoudre est la capacité de la collecte. Celle-ci est aujourd’hui limitée à 20 pneus par exploitation, or la société s’occupant de la collecte a rencontré des problèmes de stockage en raison des quantités supérieures aux prévisions et le flux de recyclage s’est parfois interrompu. D’une manière générale, des difficultés sont nées des quantités inhabituelles pour des sociétés de collecte. Le coût élevé du traitement constitue également un frein et permet difficilement d’envisager le développement de l’expérience (1,50 euro par pneu véhicule léger, 15 euros pour un pneu véhicule lourd, 25 euros par pneu agraire).
Perspectives
2005 sera la date butoir puisque les premiers contrats arrivent à leur fin. Que se passera-t-il alors ? Va-t-on continuer et à quel coût ? Christelle Parmentier est optimiste : « Malgré toutes les difficultés, principalement d’ordre pécuniaire, nous avons un atout. La Région Nord-Pas-de-Calais souhaite vraiment qu’une collecte s’organise à l’échelle de la Région. Voilà plusieurs années que le Conseil scientifique de la Région s’est penché sur la problématique déchets et notre expérience sert un peu de laboratoire. On nous observe. Les élus regardent comment cela fonctionne, comment les agriculteurs adhèrent ou non. Qu’une collecte régionale s’organise et les coûts s’en trouveraient réduits (notamment les coûts de transports) ». Le Parc possède donc une botte secrète mais, pour l’instant l’expérience suit son cours.