Mise en oeuvre d’indicateurs

Mais combien ça coûte ?

 
Avis d’expert, Simon Popy

Espaces naturels n°33 - janvier 2011

Le Dossier

Moune Poli

 

Difficile d’aborder la question des indicateurs en occultant leur coût. Est-il possible de le minimiser ? Comment ? À quelles conditions ?  Simon Popy, qui travaille sur ces outils au Cemagref, nous fait part de son expérience.

Faut-il disposer de financements importants pour mettre en œuvre des indicateurs ?
Le coût varie en fonction du type d’indicateur mais également des différentes phases de sa mise en œuvre.
La construction de l’indicateur, tout d’abord. Elle nécessite réunions, déplacements d’experts, recherches bibliographiques… C’est en s’inspirant de méthodologies existantes qu’il sera possible de réduire ses coûts.
Vient ensuite le montant de la collecte des données brutes : celui-ci peut être caché lorsque l’on utilise des informations préexistantes, financées par ailleurs ou issues d’un travail bénévole. Lorsque des suivis doivent être mis en place spécifiquement, leur coût peut représenter la majeure partie du budget. Ainsi, le prix des suivis de la biodiversité ordinaire, réalisés par l’Observatoire de la biodiversité suisse, représente 73 % du budget de la structure. Ce chiffre dépend cependant de la précision recherchée, de la surface échantillonnée et du nombre de groupes inventoriés.
L’accès à la donnée et son rassemblement en vue d’un traitement statistique constituent une troisième phase, dont le montant peut être faible si les suivis sont mis en place par la structure qui produit l’indicateur. A contrario, la dépense peut s’avérer non négligeable, lorsqu’elle nécessite de faire l’inventaire de données dispersées, de mettre en place un système pérenne d’accès aux données, ou de les acheter.
La transformation des données en indicateur ne devrait pas représenter un investissement majeur à condition que les phases précédentes aient été correctement menées. Dans le cas contraire, émergent alors les problèmes : inadéquation des données avec la question ou le traitement statistique envisagé, le tout entraînant dépenses et délais supplémentaires.
Enfin, on n’oubliera pas le coût lié à la communication : diffusion de l’indicateur, interprétation et mises à jour.

Comment baisser les coûts ?
En utilisant l’existant à bon escient. Pour cela, il faut assurer une veille permanente sur la production de données et d’indicateurs. En France, un catalogue des données naturalistes est en train de se mettre en place, le Système d’information sur la nature et les paysages, qui devrait faciliter cette tâche.
Concernant la transformation des données en indicateurs, il faut suivre ce qui se fait ailleurs, y compris au-delà de nos frontières, en se méfiant des effets de mode.
La veille s’effectue notamment par la lecture de la littérature scientifique sur le sujet. Il existe ainsi une revue scientifique intitulée Ecological indicators 1.
Reste le plus primordial : soigner la phase de construction de l’indicateur. À quelle question celui-ci doit-il répondre ? Quelle est la quantité de données nécessaire et suffisante ? Nécessaire sur le plan statistique, suffisante pour répondre à l’objectif fixé – sans dépense inutile. À cette fin, il ne faut pas négliger l’assistance de personnes compétentes en statistiques lors de l’élaboration des plans d’échantillonnage. L’expérience montre (erreur de base !) que la question du traitement statistique est souvent remise à plus tard.

Au-delà des dépenses immédiates, vient la question de la pérennisation du financement. Quels conseils pourriez-vous nous donner ?
Il ne serait pas acceptable que les subventions allouées pour produire un indicateur dépendent, par exemple, de l’adéquation entre l’information révélée et les attentes des politiques en place. Si une totale indépendance semble utopique, on pourra tout de même veiller à la pluralité des instances décisionnelles du projet, à bien définir son mode de gouvernance, ainsi que l’étendue du pouvoir des financeurs.
La probabilité de rupture dans l’approvisionnement en données est également élevée lorsqu’un indicateur est basé sur une source extérieure. Ce risque peut diminuer par la multiplication des sources de données. Une forme de contractualisation engageant le fournisseur de données sur une période minimale peut aussi être envisagée.

1. Disponible sur le net.