Côtes normandes

Surveiller la pêche à pied, tous les acteurs mobilisés...

 
Le Dossier

Isabelle Rauss
Conservatoire du littoral
Emmanuelle Elouard
Symel
 

À marée basse, Chausey devient le terrain des pêcheurs à pied : un risque pour l’équilibre des écosystèmes. La surveillance s’organise avec l’ensemble des acteurs locaux.

Archipel aux mille couleurs, Chausey devient à marée basse un vaste espace de liberté sur lequel les usages sont nombreux et diversifiés. Sur les cinq mille hectares de domaine public maritime attribués en 2007 au Conservatoire du littoral, l’équilibre entre biodiversité, ressources et usages est globalement maintenu. Certains faits cependant, témoignent d’une zone de non-droit : récolte de coques au motoculteur, groupes organisés pour des pêches intensives, pêche dans la réserve du Sound (c’est interdit)…
Les premières discussions pour faire face à la situation ont été entamées il y a dix ans dans le cadre de Natura 2000. Le Conservatoire a alors rencontré l’opposition des acteurs locaux craignant une sur-réglementation. Mais des échanges plus constructifs ont amené les associations, de pêcheurs à pied notamment, à se saisir du sujet et s’autodiscipliner autour de bonnes pratiques, évitant ainsi l’élaboration d’une nouvelle réglementation drastique.

Gestion. « Anticiper et responsabiliser pour mieux préserver. » Cette philosophie portée par le Conservatoire du littoral et le Syndicat mixte des espaces littoraux de la Manche (Symel), organisme gestionnaire, est partagée par les acteurs du territoire. Tous ont agréé le plan de gestion qui prévoit « la meilleure connaissance des pratiques de pêche de loisir en collaboration avec les associations référentes [afin] de contribuer à un meilleur respect de la réglementation ». Ils ont pour cible les dispositifs d’information et de surveillance ainsi que le suivi des espèces et de leurs habitats.

Action. Le choix des objectifs arrêté, il convenait d’agir. Sur le terrain, la légitimité s’appuie sur la présence du Symel. Trois gardes du littoral équipés de moyens adaptés pour la mer sont logés sur place. Parmi leurs missions : tournée de surveillance, comptages, soutien aux équipes de recherche. La configuration de l’archipel rend cependant la surveillance difficile. À la différence d’un estran dégagé et ouvert, les îlots nombreux et disséminés représentent autant de cachettes à marée basse.
Aussi, pour mieux connaître et suivre ces grands espaces marins morcelés, un protocole a été élaboré avec des universitaires visant à structurer un observatoire de la fréquentation (Bount’îles).

Observation. Les gardes procèdent aux comptages à pied, en bateau ou par des survols en avion pour dénombrer embarcations, pêcheurs à pied afin d’effectuer le suivi de cette pratique. En 2009, les premiers chiffres tombent confirmant l’utilité de l’action : 95 % des paniers sont non conformes.
Aussi, à chaque marée basse, les gardes vont au-devant du public avec pour objectif d’informer et de convaincre du bien fondé de la réglementation. Cette sensibilisation s’appuie sur une plaquette, éditée par le Conservatoire avec l’aide des associations locales, notamment le Comité des pêcheurs amateurs Granvillais qui, chaque année, actualise informations et réglementations.
Pour compléter la surveillance de proximité, une collaboration a été établie avec des services de l’État. Les gardes du littoral coordonnent et sensibilisent, tandis que les agents de l’État, responsables de l’application de la réglementation, peuvent verbaliser.
Mutualisation. La mutualisation des moyens de gestion
(locaux et bateaux du Symel) permet une organisation optimale. Logeant au sémaphore de Chausey, les équipes arrivant du continent sont plus disponibles pour les tournées de surveillance. La coordination calendaire permet de meilleures répartitions des présences et couvertures spatiales des différents lieux de pêche au sein de l’archipel. Avant cette coordination, il pouvait advenir que plusieurs services de l’État soient présents le même jour sur le même site et, qu’ensuite, aucune surveillance ne soit assurée pendant plusieurs mois. L’efficacité de l’action nécessite un engagement important d’hommes et de moyens : en 2011, cent vingt-cinq journées de contrôle ont été déployées.

Évaluation. Le dispositif est-il efficace ? Seule l’évaluation permet d’en rendre compte. L’analyse des fiches de suivis met en évidence que, depuis la mise en route des tournées de surveillance, les pêcheurs sont de plus en plus respectueux de la réglementation. Trois ans après le début de l’action, plus de la moitié des paniers sont conformes.
La concertation, l’information, la sensibilisation, la présence sur le terrain… un ensemble de conditions est nécessaire pour assurer la gestion d’un espace côtier. Dans ce panel, la responsabilisation des acteurs locaux est un élément majeur. Le fait de rendre compte avec chiffres et suivis adaptés est également important. L’échange doit aussi se faire avec d’autres gestionnaires d’espaces protégés, comme c’est le cas au sein du forum des AMP. •