Antilles

Le réseau des îles du nord est vivant

 
Le Dossier

Romain Renoux
Conservateur Réserve nationale de Saint-Martin

 

Au-delà des frontières administratives et des nationalités, le réseau des îles du nord regroupe des gestionnaires néerlandais, français, anglais. Efficace et salutaire !

Avec Tadzio Bervoets, le courant est immédiatement passé. Sans doute, notre isolement géographique au nord des Petites Antilles nous a-t-il rapprochés. Quoi qu’il en soit, dès cette première rencontre, en 2010, nous nous sommes exposés nos réalités. Et si nous nous sommes beaucoup plaints de nos difficultés, nous nous sommes surtout compris.
La Réserve naturelle nationale de Saint-Martin pour laquelle je travaille comprend une aire marine protégée française au nord des Petites Antilles. Tadzio Bervoets est mon homologue sur la partie hollandaise du territoire pour le Sint-Maarten marine park. En effet, l’île de Saint-Martin–Sint Maarten est pour moitié française, pour moitié hollandaise. Et cette rencontre a été le déclencheur d’un travail en réseau. Ne partageons-nous pas le souci de préserver les cinq principaux écosystèmes tropicaux de notre île ?

Balbutiements. Nous avons alors souhaité que nos équipes se rencontrent. Quelques semaines plus tard, c’est sur l’île de Tintamarre, en plein cœur de la réserve, que les agents des deux structures se sont rejoints pour un pique-nique. Et cela n’a pas manqué : les idées de collaboration ont émergé ! Avec l’esprit opérationnel qui les caractérise, les personnels ont mis en place une coopération des plus concrètes : échanges de bouées, prêt de matériel, pose de mouillage…
Très vite, ces habitudes nous ont conduits à aborder d’autres sujets tels les protocoles scientifiques ou les actions d’éducation à l’environnement. Imperceptiblement,
les gestionnaires hollandais étaient devenus partie intégrante de notre environnement professionnel.

Une famille. Mais la véritable ampleur de l’échange est née ensuite, lorsque Tadzio nous a présenté les équipes des îles sœurs néerlandaises. L’île de Saint-Martin–Sint Maarten baigne en effet, au sein d’un chapelet de petites îles néerlandaises, françaises et anglaises1. Toutes possèdent une aire marine protégée. Nous partageons la même biodiversité et la même mer, contexte de travail très particulier.
En 2011, avec l’aide financière du Carspaw2 et l’appel à projet du GCFI3, le fonds des Nations unies pour l’environnement, nous avons organisé sur Saint-Martin les premières assises des îles du nord. Elles ont regroupé vingt professionnels : managers, chargés de mission scientifiques et gardes. Pendant quatre jours, des visites de terrain ont permis de fouiller une multitude de questions auxquelles nous sommes confrontés. Il en est ainsi du mouillage, de la réglementation, de l’aménagement… Cette approche pragmatique a alterné avec des discussions sur les capacités de financement ou sur les protocoles scientifiques. L’occasion pour chacun de faire part de ses réalités, de ses succès ou de ses échecs… une véritable thérapie de groupe pour gestionnaire isolé…
Quatre jours pendant lesquels nos coups de gueule, nos capacités d’innovation nous ont soudés. Avec ce curieux sentiment d’appartenir à la même famille. Quelque chose nous anime et nous porte au-delà des tracasseries administratives quotidiennes. Plus qu’un réseau d’aires protégées, un réseau social de gestionnaires était créé.

En 2013, nous nous réunirons à nouveau sur l’île de Saba. Nous traiterons des espèces commerciales, de la capacité de charge de nos sites… et nous partagerons encore quelques pique-niques en famille. Le réseau des îles du nord est vivant ! •