Les limites de la mer

 
Le Dossier

Alain Barcelo
Président du forum des aires marines protégées

Est-il possible de protéger le milieu marin ?, interrogent les pages qui suivent. Quelle question ! Elle nous oblige à reconnaître les limites auxquelles nous sommes confrontés : ce milieu est à la fois peu accessible, mal connu, ouvert, synonyme de liberté…
Et pourtant, nous, gestionnaires d’aires marines protégées (AMP), constituons l’une des solutions à cette équation complexe. Il nous faut tout d’abord admettre que nos leviers d’action pour la protection de la mer sont locaux et qu’ils intègrent un cadre bien plus large : celui d’initiatives prises par les professionnels et les usagers, parfois depuis des décennies.
Mais nos limites dépassent ce cadre : comment, et pourquoi, par exemple, tenter d’éradiquer ou de réguler une espèce envahissante, à l’échelle d’un site, si son arrivée est rendue possible par l’absence de réglementation nationale, ou par la non-application de cette régulation lorsqu’elle existe ? La mer est un milieu sans frontière, les protections ne peuvent s’entendre que dans un contexte national, voire international, de législation et de travail en réseau.
Il n’en reste pas moins que protéger la mer, c’est possible. Les multiples expériences portées par les AMP en sont la démonstration. Les actions menées dans ce sens apportent rapidement des résultats.
Ainsi, protéger la mer au quotidien, c’est mieux la connaître ; c’est construire ensemble un partage du milieu dans l’espace et dans le temps ; c’est l’aménager, un peu ; c’est la faire connaître et l’aimer, beaucoup. Quoi de plus gratifiant par exemple que de voir les peuplements de poissons décupler quelques années à peine après avoir porté et mis en application collégialement des mesures de régulation, et ce au bénéfice de tous : plongeurs et apnéistes au sein de la zone préservée, pêcheurs et chasseurs en périphérie, profitant des intérêts du capital préservé ?
Chaque gestionnaire d’aire marine protégée joue un rôle essentiel à l’interface entre les différents usagers, les scientifiques et les institutionnels. À leur écoute pour comprendre leurs attentes et besoins, au plus près d’un milieu dont la responsabilité lui a été confiée, constamment à son chevet, le gestionnaire a la capacité de mettre en œuvre les mesures de gestion adaptées, de réguler et d’harmoniser les différents usages, de suivre les conséquences de ses décisions, de rapporter puis d’adapter son action.
Tous les leviers possibles ne sont pas encore actionnés et il reste une large marge d’actions pour davantage d’efficience. Regroupés en réseau, les gestionnaires d’AMP échangent constamment pour essaimer les bonnes pratiques et les expérimentations réussies ou pas : l’innovation est au cœur de leur métier. Ce court dossier tente de l’illustrer. •