Le Dossier

L’avenir des sols entre nos mains

Le dossier lu par... Marc-André Selosse
Étude des effets du non-labour sous une culture de colza.          © Christophe Tréhet

 

Majeure partie de la biodiversité terrestre, je gouverne les cycles de la matière, je suis source de l’alimentation et je joue avec l’effet de serre, qui suis-je ?

Le sol. Plus que le support de nos pas ou l’ancrage des plantes : un lieu de vie. Un gramme de sol héberge plud’un milliard de bactéries, de milliers d’espèces différentes ; il compte aussi 1 à 100 milliers d’espèces de champignons…
Les bactéries des sols de France comptent au moins 115 000 espèces, à comparer à 570 pour les oiseaux, 6 500 pour les plantes ou 189 pour les mammifères. Avec 50 % de la biomasse vivante, 23 % des espèces vivantes connues et 75 % de la matière organique terrestre, le sol est l’écosystème terrestre : ce que nous voyons en surface n’est qu’un diverticule !
La vie crée le sol : elle attaque la matière organique et la roche pour libérer la fertilité ; elle exploite l’atmosphère dont l’azote gazeux est transformé par des bactéries en azote assimilable. La vie brasse le sol, entre mouvements animaux et remontées d’éléments prélevés en profondeur par les plantes. Près de 90 % des plantes ne survivent pas sans des champignons dits « mycorhiziens» qui d’un côté cherchent des ressources dans le sol et d’un autre colonisent et alimentent les racines. Longtemps vu comme une simple surface, le sol est un écosystème né à l’interface de la géosphère et de l’atmosphère.
Les sols font le monde. Leur fertilité emportée par les eaux fertilise les océans, expliquant pourquoi les eaux littorales sont les plus productives. Les organismes des sols émettent des gaz à effet de serre : CO2 issu de la respiration de sols aérés, méthane et protoxyde d’azote issus des sols anoxiques… Inversement, des sols raisonnablement aérés ne dégradent que lentement la matière organique.
En augmentant de 0,4 % par an la matière organique dans les sols (en y enfouissant nos déchets organiques), on stockerait l’équivalent de nos émissions annuelles de CO2 !
Tristement, l’Homme n’a pas perçu cela. Les aménagements et l’urbanisation recouvrent les sols d’un département tous les 7 à 10 ans en France. La salinisation menace 30 % des sols agricoles, car l’irrigation amène des sels qui s’accumulent. Les labours dopent l’érosion hivernale de sols nus, à la structure détruite, où la matière organique, oxydée, ne fait plus la cohésion : nos sols labourés s’érodent 10 fois plus qu’avant l’utilisation de la charrue. Les sols s’endommagent progressivement, parfois sans que nous n’en prenions conscience. Or il faut 100 à 1 000 ans pour faire un sol… C’est là un patrimoine que nous héritons de nos ancêtres et devons à nos enfants ; nous pouvons en utiliser les intérêts (les récoltes) mais pas en entamer le capital. Vision catastrophiste ? Non car, cette approche (scientifique et morale) posée, le dossier qui suit propose des solutions : prenons en main le sol et son écologie comme des leviers pour enthousiasmer l’avenir. • Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d'histoire
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