Sensibiliser

Inventaires citoyens : en quête de la biodiversité commune

 

Espaces naturels n°64 - octobre 2018

Pédagogie - Animation

Le Parc naturel régional (PNR) du Verdon mobilise les communes, sensibilise et forme les citoyens grâce aux inventaires de la biodiversité dans les communes. À la clé, des habitants et des élus conscients de la richesse de leur patrimoine naturel. Une démarche qui s’apparente à celle des Atlas de la biodiversité communale (ABC, cf. encadré).

Associer les habitants aux inventaires - Crédit : David Tatin

Associer les habitants aux inventaires permet de les mobiliser pour la préservation de la biodiversité. - Crédit : David Tatin

Depuis 2012, le Parc naturel régional du Verdon anime des inventaires citoyens de la biodiversité. On ne les a pas appelé « atlas » mais bien « inventaires » car, si l’amélioration des connaissances en est un objectif important, les élus qui les ont portés ne souhaitaient pas tant disposer d’inventaires exhaustifs que de sensibiliser aux enjeux de la biodiversité et se préoccuper de la biodiversité dite « ordinaire » ou « commune ». Les inventaires citoyens de la biodiversité permettent de favoriser la prise en compte du patrimoine naturel dans les documents d’urbanisme et projets d’aménagements tout comme à l’échelle individuelle, et de valoriser les savoirs empiriques.

Si les objectifs des inventaires communaux sont les mêmes que ceux des Atlas de la biodiversité communale (ABC, cf. encadré), ils en diffèrent en cela qu’ils portent sur les espèces mais pas sur les habitats naturels. Des cartes peuvent être produites, mais pas de manière systématique ; des pistes d’actions sont proposées au moment de la restitution aux élus mais non formalisées en « plan d’action ». L’accent est mis sur les rencontres et les partages de connaissances entre habitants, usagers et naturalistes, la création d’un lien social et intergénérationnel autour des enjeux de la biodiversité et le développement d’un réseau de personnes ressources sur le territoire.

Pour cela, pendant 6 à 7 mois, les habitants sont placés en situation d’inventorier et formés à saisir une donnée d’observation dans une base de données naturaliste. La démarche se fait sur une base de volontariat : dans un premier temps, un appel à communes volontaires est lancé, les communes doivent remplir un questionnaire sur leurs motivations et attentes à l’égard du projet. Il s’agit de changer les regards sur la biodiversité, trop souvent perçue comme une contrainte. Une fois la sélection faite par le bureau du PNR, les élus de la commune choisie sont invités à une première réunion qui vise à s’assurer que chacun est bien informé des tenants et aboutissants de la démarche, et identifier un ou plusieurs élus - relais locaux auprès des habitants et pour la logistique. Une réunion publique permet ensuite de mettre sur pied un programme d’animation, le but étant de coller au plus près aux centres d’intérêt et propositions des habitants : inventaires participatifs, chantiers collectifs, escapades ludiques, manifestations, etc. L’exercice est parfois compliqué, mais il force le PNR à sortir des sentiers battus. Organisé en fin de parcours en ciblant des groupes d’espèces peu recensés pendant la phase « habitants », un week-end ouvert aux naturalistes aguerris du territoire ou de la région, sorte de « 24 heures de la biodiversité » en comité restreint, est aussi devenu un moment traditionnel et attendu de la démarche.

ANCRAGE LOCAL, ÉCHELLE COMMUNALE ET PARTENARIATS

L’expérience montre que la démarche prend tout son sens quand elle est portée et relayée localement. Ce peut être un ou plusieurs élus désignés par le conseil municipal comme référents du PNR, mais aussi des personnes ressources issues du tissu associatif et culturel, voire un tandem entre élus communaux et habitants investis, par exemple, dans des associations du village. À l’heure où les communautés d’agglomérations et les métropoles sont de plus en plus fléchées comme les structures d’aménagement exclusives du territoire national de demain, la commune est souvent le dernier espace de proximité entre les élus et leurs administrés. Cette proximité permet au bouche à oreille de fonctionner, aux liens informels de se tisser et d’accéder à des personnes qui n’auraient pas participé d’elles-mêmes au projet. Pour autant, les résultats des inventaires sont mis à profit dans les démarches supra communales, comme les PLUi ou les SCoT. Le PNR cherche aussi à s’entourer et conforter ses partenariats, comme avec le CEN Paca, la LPO ou des associations naturalistes locales.

ETHNOLOGIE ET ÉDUCATION POPULAIRE

Une particularité de la démarche est le temps important d’animation. La réalisation des inventaires citoyens de la biodiversité est ainsi coanimée au sein du PNR par la chargée de projets Sciences participatives et le chargé de mission Patrimoines naturels. Dans une optique de vulgarisation et de partage des connaissances avec les habitants, l’animatrice développe des outils et des méthodes de travail sur mesure. Une approche photographique ou par le dessin, par exemple, permet de donner envie de participer, d’aborder la biodiversité autrement. Les inventaires sont enrichis par des entretiens avec des habitants pour collecter leurs connaissances de leur commune. Cette approche, à mi-chemin entre l’ethnologie et l’éducation populaire, permet de créer des échanges vertueux, de faire dialoguer chasseurs, flâneurs, jardiniers, agriculteurs, botanistes, ornithologues, etc. Principalement axée au départ sur les inventaires faunistiques et floristiques, la démarche a évolué et s’est enrichie d’un volet plus ethnologique. La « biodiversité communale », désignée parfois par d’autres mots est ainsi remise en perspective au regard de l’histoire de la commune, de l’évolution de ses paysages et des usages. La démarche s’est aussi élargie aux patrimoines au sens large, la biodiversité nourrissant les savoirs vernaculaires et les savoir-faire locaux (usage des plantes médicinales, salades sauvages, biodiversité domestique, etc.) ; elle s’invite dans le (petit) patrimoine bâti remarquable (cabanons, pigeonniers, mines à eau, canaux d’irrigation gravitaire, etc.). Des fiches des espèces permettent de rendre les habitants du territoire plus autonomes dans leurs observations.

Malheureusement, faute de moyens (coût moyen d’un inventaire : 20 000€/ commune), après six années d’inventaires citoyens de la biodiversité (6 communes couvertes), et alors que la démarche est plébiscitée, 2019 sonnera la fin de l’aventure. Financer de l’animation devient une gageure. Au fil des années, le caractère novateur de l’action, qui justifie les crédits, s’estompe. L’expérimentation est considérée par certains comme menée à son terme. Les fiches sur les espèces pourraient, on l’espère, maintenir une dynamique participative dans le cadre de l’Observatoire de la biodiversité du Verdon à venir. 

Atlas de la biodiversité communale ( ABC) : des outils stratégiques plébiscités

Initiés en 2010 par le ministère de l’Environnement et désormais portée par l’AFB, les ABC permettent à une commune, un établissement public de coopération intercommunale ou autre structure intercommunale (Parc naturel régional, établissement public territorial de bassin, etc.), de connaître, préserver et valoriser son patrimoine naturel. Au-delà d’un simple inventaire naturaliste, cet outil stratégique de l’action locale offre une cartographie des enjeux de la biodiversité à l’échelle des territoires. En juillet 2017, l’AFB lançait un appel à manifestation d’intérêt pour permettre à 500 communes de bénéficier d’un soutien financier afin de lancer une démarche d’ABC sur leur territoire pour un financement global de 5 millions d’euros. Compte tenu de la qualité des dossiers reçus, 47 ont été retenus, couvrant 685 communes. Les dossiers reçus démontraient un fort intérêt pour le sujet, quels que soient la taille de la collectivité, la région concernée, son caractère urbain ou rural, sa connaissance des enjeux liés à la biodiversité... signe que les ABC sont un outil intéressant de mobilisation des collectivités et de l’ensemble des acteurs de leur territoire. Le 4 juillet 2018, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a annoncé dans son Plan biodiversité un objectif de 600 nouveaux ABC soutenus financièrement, afin d’atteindre 1 500 ABC d’ici 2020. L’Agence française pour la biodiversité (AFB) a donc décidé de lancer un nouvel appel à manifestation d’intérêt en 2018 afin de financer leur mise en oeuvre. Les candidats ont pu envoyer leur dossier à l’AFB jusqu’au 23 septembre. Anaïs Claudon, (anais.claudon@afbiodiversite.fr) 

 


Carte Atlas de la biodiversité communale - Résultats de l'appel à manifestation d'intérêt