Une législation qui s’adapte
Espaces naturels n°65 - janvier 2019
Les avancées technologiques permettent aujourd’hui à tout un chacun de piloter un drone et de le faire évoluer autant en ville que dans les espaces naturels. Peut-on voler n’importe où et n’importe comment ? Petit tour d’horizon de la réglementation applicable.
Deux types de réglementation sont évoqués dans cet article : réglementation environnementale et réglementation aérienne. Au-delà des frontières, l’Union européenne commence tout juste à se saisir de la question...
RÈGLES DE SURVOL DES ESPACES NATURELS AU TITRE DE LA RÉGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE
Selon les termes du Code de l’environnement, seuls les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles nationales peuvent faire l’objet d’une limitation de survol. La réglementation d’un parc national et sa charte peuvent ainsi soumettre le survol à un régime particulier et, le cas échéant, l’interdire dans le coeur du parc à une hauteur inférieure à 1 000 m du sol. Concernant les réserves naturelles nationales, c’est l’acte de classement de ces espaces qui institue les mesures relatives aux possibilités de survol. Ces limitations sont portées à la connaissance des usagers aériens à travers les cartes aéronautiques publiées par le service d’information géographique de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)(1).
Pour les autres espaces soumis à un régime légal de protection (réserves de chasse et de faune sauvage, réserves naturelles régionales, etc.) aucun dispositif législatif ne prévoit explicitement une limitation de survol de leurs périmètres.
Afin de combler ces limites législatives d’encadrement du survol dans les sites autres que les parcs nationaux et les réserves naturelles nationales, les autorités compétentes (maire, préfet, etc.) peuvent édicter des mesures réglementaires, adaptées aux problématiques des territoires. Elles peuvent, par exemple, prendre la forme d’un arrêté préfectoral de protection de biotope pour prévenir le dérangement de l’avifaune protégée sur un site naturel. Pour être légales, ces mesures de police devront être nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi. En ce sens, les contraintes à l’activité de survol devront être limitées dans le temps (par exemple, pendant la période de migration d’une espèce sensible) et dans l’espace. Dans les sites Natura 2000, même si les activités de survol ne sont pas inscrites sur la liste nationale des activités devant faire l'objet d'une évaluation des incidences (établie par décret en conseil d’État), le préfet est susceptible de les inclure dans la liste locale. Ce dernier peut également décider de soumettre à évaluation tout projet ou activité ne figurant ni sur les listes nationales, ni sur les listes locales. Il est ainsi possible d’imaginer l’évaluation des incidences Natura 2000 d’une activité spécifique de survol. Dans le cas où cette évaluation n’aurait pas été réalisée, aurait été insuffisante, ou démontrerait que l’activité de survol peut porter atteinte aux objectifs de conservation du site, le préfet pourrait alors s’opposer à cette activité de survol de loisir ou sportif.
RÈGLES DE SURVOL AU TITRE DE LA RÉGLEMENTATION AÉRIENNE
Pour accompagner le développement des drones civils, la DGAC a élaboré dès 2012 un cadre réglementaire. Son objectif est de créer les meilleures conditions d’exploitation civile de ces engins volants tout en préservant la sécurité. Les risques de chute, de collision avec des personnes ou des véhicules, voire la possibilité d’une utilisation à des fins terroristes, sont réels.
Trois arrêtés ministériels fixent les règles applicables à l’utilisation des drones civils. Le premier, dit « aéronef », traite de leur conception, de leur conditions d’emplois et des qualifications des télépilotes. Le second, dit « espace », concerne les conditions d’insertion des drones dans l’espace aérien et le dernier, dit « formation », précise les exigences pour devenir télépilote, organise la formation pratique et l'examen pour l'obtention du certificat d'aptitude théorique.
Trois arrêtés ministériels fixent les règles applicables à l’utilisation des drones civils.
Trois régimes régissent ainsi les drones non pas en fonction des machines elles-mêmes mais de l’objectif du vol au moment où il est réalisé. L’activité « expérimentation » concerne le développement et la mise au point d’aéronefs ou de leurs systèmes de commande. L’activité d’« aéromodélisme » se réfère à l’usage des drones à des fins de loisirs et de compétition. Enfin, les « activités particulières » ou professionnelles intéressent toute autre utilisation donnant lieu ou non à une transaction commerciale et par exemple l’utilisation par des gestionnaires d’un drone pour réaliser une cartographie d’habitats. Nous évoquerons uniquement la réglementation applicable aux activités de loisirs et professionnelles, qui sont les plus susceptibles d’être rencontrées en espaces naturels.
ACTIVITÉS DE LOISIRS
Pour les appareils d’un poids inférieur à 800 g, les plus couramment employés, la réglementation ne fixe pas de conditions pour leur utilisation à des fins de loisir ou de compétition. En revanche, depuis le 18 mai 2018, les télépilotes de loisirs utilisant des engins de plus de 800 g(2) doivent suivre une formation théorique. Cette dernière, disponible en ligne, vise à l'acquisition par le télépilote des connaissances et compétences requises afin d’assurer la sécurité des tiers au sol et des autres usagers de l'espace aérien dans le respect de la réglementation fixant les conditions d'emploi des aéronefs, des règles de protection des données et du respect de la vie privée (cf. article sur la formation au télépilotage de drone, page 30). Il est utile de rappeler que l’utilisation en extérieur d’engins volants, même de petite taille et non habités, est considérée comme une activité aérienne et relève donc de la réglementation applicable à l’aviation civile. Le télépilote d’un aéromodèle est donc soumis à des règles d’insertion dans l’espace aérien pour assurer la sécurité des personnes et des autres aéronefs. À ce titre, il ne doit pas faire évoluer son appareil :
- au-dessus de l’espace public en agglomération. Celui-ci est constitué des voies publiques, ainsi que des lieux ouverts au public (plages, jardins publics, etc.) ;
- dans les zones dont l’accès est interdit ou réglementé (terrains militaires, aérodromes, centrales nucléaires, prisons, parcs nationaux, réserves naturelles, etc.). Ces informations sont publiées dans l’information aéronautique mais également sur le site geoportail.gouv.fr ;
- de nuit et hors vue. Sur ce dernier point, le télépilote doit toujours avoir une vue directe sur l’aéromodèle. Les vols en immersion sont possibles à condition qu’une autre personne conserve à tout instant une vue directe sur le drone. Tout engin de moins 2 kg doit évoluer à une distance maximale de 200 m du télépilote et une hauteur maximale de 50 m ;
- sans respecter les hauteurs de vols. Elle est fixée à une hauteur maximale de 150 m mais peut être réduite à proximité d’un aérodrome ou d’une zone d’entraînement militaire ;
- au-dessus des personnes, de façon à ne pas mettre en danger les personnes et les biens à proximité. Les prises de vues en aéromodélisme sont autorisées dès lors qu’elles ne sont pas réalisées à usage commercial ou professionnel et respectent le droit à la vie privée des personnes filmées.
ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES
Soumise au régime des « activités particulières », l’utilisation d’un drone par un gestionnaire d’espace naturel répond à des règles strictes définies dans quatre scénarios opérationnels. Tout vol en dehors de ces cadres doit faire l’objet d’une autorisation spécifique. Au préalable, l’exploitant (personne responsable de l’activité) doit déclarer son activité à la DGAC et rédiger un Manuel d’activité particulière (MAP) qui décrit les modalités de mise en oeuvre de ses obligations réglementaires et notamment les activités réalisées, les scénarios réalisables, les drones utilisables et les télépilotes autorisés. La prise de vue aérienne dans le spectre visible doit être déclarée et une demande d’autorisation doit être adressée au préfet pour les prises de vue dans le spectre invisible (thermographie par exemple).
Ces démarches administratives réalisées, le télépilote prépare sa mission. En fonction du scénario dans lequel elle s’insère (cf. page suivante) les obligations réglementaires ne sont pas les mêmes et dans certains cas les appareils doivent être homologués et le vol nécessite un accord ou une notification préalable (zones peuplées), vol hors vue. La réglementation drone étant propre à chaque État, les démarches réglementaires effectuées en France ne permettent pas de voler dans d’autres pays européens. Cependant, l’Union européenne souhaite mettre en place des règles communes. Une première étape a été franchie au travers du règlement européen 2018/1139, entré en vigueur le 11 septembre 2018. Il énonce des principes de base concernant l’utilisation des drones pour garantir la sécurité, la sûreté, le respect de la vie privée, la protection des données et la protection de l'environnement. D’autres règles détaillées seront fixées par la Commission européenne, avec l'aide de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA), sur la base des principes énoncés dans ce règlement.
(1) geoportail.gouv.fr/donnees/restrictions-pourdrones-de-loisir
(2) En octobre 2018, un décret et un arrêté ministériel sont venus enrichir la réglementation drone. Ils concernent l’enregistrement des drones de plus de 800 g. À partir du 26 décembre 2018, chaque appareil supérieur à cette masse au moment du décollage devra être enregistré sur le site Alpha tango (https://alphatango.aviation-civile. gouv.fr). Ce numéro d’enregistrement devra figurer de manière permanente et visible sur l’appareil.