>>> Le loup et le mouton

Loup et pastoralisme

 

Espaces naturels n°6 - avril 2004

Gestion patrimoniale

Florent Favier
Chargé de communication

 

Les gestionnaires du Parc national du Mercantour, comme ceux des Parcs naturels régionaux du Queyras et du Vercors n’en font pas mystère : ils doivent gérer la présence du loup.

En 2003, le loup était recensé de manière permanente dans onze zones françaises1, or six d’entre elles appartiennent aux territoires des Parcs du Queyras et du Vercors. La présence de l’espèce engage donc ces professionnels en tant que gestionnaires d’espaces naturels mais également en tant que relais de la politique nationale de protection. Tout un programme… dont la concrétisation s’est manifestée sous la forme d’une assistance technique au pastoralisme et par une participation au suivi scientifique du loup. Mais, pour pousser plus loin l’analyse, il faut souligner que cette implication s’est concrétisée de manière nuancée selon qu’il s’agissait d’un Parc naturel régional ou d’un Parc national. Les personnels, gestionnaires des Parcs se sont donc impliqués différemment. En tout premier lieu, pour des raisons historiques. Le loup ayant fait son retour en France, en 1992 dans le Mercantour, il a frappé une profession absolument pas préparée à cette irruption. Ni les éleveurs ni les autorités administratives n’étaient prêts à gérer le loup et ses effets, bien que le Parc du Mercantour ait tenté d’anticiper ce retour.
Concernés par l’arrivée du loup, six ans plus tard, les deux Parcs naturels régionaux ont pu tirer avantage de cette expérience et devancer certains problèmes. Ils ont également bénéficié de l’évolution de la politique de l’État en la matière ainsi que de la mise en œuvre de deux programmes Life consécutifs. Cela ne les a pas empêchés de se heurter à l’hostilité des éleveurs, mais leur a permis de coordonner avec l’État (Ddaf, ONCFS, Diren…) les efforts de prévention des attaques et de soutien de l’élevage. Ils ont pu coupler leurs actions avec ces mesures et initier des démarches concrètes tels les dispositifs radio ou encore le déploiements d’emplois-jeunes…
La morphologie, l’histoire, les traditions de chaque Parc comme les techniques pastorales qui s’y maintiennent ont aussi influé sur le choix de leurs orientations.
Ainsi, les Parcs naturels régionaux connaissent des conditions favorisant la protection des troupeaux. Principalement concernés par un élevage de troupeaux transhumants, ils peuvent généralement s’appuyer sur la présence d’un berger. Par ailleurs, la durée de vulnérabilité aux attaques est limitée à trois ou quatre mois dans des alpages peu boisés.
À l’inverse, l’élevage ovins dans les Alpes maritimes cumule plusieurs handicaps : un pâturage extensif d’une durée de dix à douze mois, des dénivelés, un embroussaillement important en intersaison, un système de conduite en partie fondé sur les petits troupeaux locaux tenus par des éleveurs-bergers…
Aujourd’hui, trois Parcs sont concernés par la gestion du loup. Demain, les PNR du Verdon, du Luberon, de la Chartreuse, des Bauges et les PN des Écrins et de la Vanoise, déjà proches de zones où l’espèce est installée, auront peut-être à gérer cette présence sur leur territoire. Bien intégré, le pastoralisme contribue à l’entretien et à la richesse des espaces naturels, cependant s’il enrichit la biodiversité et peut avoir un effet bénéfique sur les ongulés sauvages et leurs habitats, le retour du loup, maillon important de la chaîne trophique2, peut aussi fortement perturber l’exercice du pastoralisme extensif.
Chaque Parc devra alors faire face à ce paradoxe, adapter au mieux les mesures de protection à l’élevage pratiqué sur son territoire, et chercher à minimiser les nouvelles contraintes que ces mesures apportent, avec leurs solutions, à l’éleveur.
Avec le recul de dix années de gestion, nous constatons que pour alléger la pression que les éleveurs subissent du fait des attaques, ou de leur seul risque, le partenariat, la transparence, la mise en synergie des efforts et l’amélioration des conditions d’exercice du pastoralisme sont des préalables nécessaires dans la recherche d’un équilibre.

1. Secteurs dans lesquels la présence de loups a été attestée durant au moins deux hivers consécutifs.

2. Du grec trophê « nourriture ».