La mobilité, atout maître
Espaces naturels n°24 - octobre 2008
Michel Lebelle
Consultant chercheur, ingénieur cogniticien, en stratégie et ingénierie de formations d’adultes
Mieux gérer les savoirs, c’est peut-être le grand défi qui est lancé à notre société du 21e siècle pour affronter les aléas, l’instabilité, la diversité grandissante des missions. Autour de chaque métier, nous pouvons voir apparaître une montée de la complexité dans la façon d’analyser le réel, désormais métissé de technologies, sous plusieurs angles de connaissance.
Une forte expérience des territoires est indispensable pour les métiers de gestionnaires d’espaces naturels (géographique, technique, institutionnelle, sociale…), afin de rendre compte des situations et de tenter d’en maîtriser le devenir. C’est bien là que se joue l’acte de professionnalisation, lequel ne pourra se constituer progressivement en savoir expert qu’autour d’un parcours professionnel. C’est là que la mobilité professionnelle devient un atout central. En quoi la mobilité permet-elle de répondre aux contextes de travail inéluctablement complexifiés ?
La compétence professionnelle est en fait « un potentiel actionnable » qui consiste à savoir mettre en action des savoirs divers et hétérogènes qui ne s’inscrivent pas dans un univers formel mais qui sont constitués par des situations singulières, engrangées au fil du parcours professionnel. Ce sont des savoirs en continuelle recomposition qui peuvent être analysés sous plusieurs angles.
1. La capacité à témoigner des origines de ses savoirs : prendre conscience des nombreuses situations significatives, aléas, situations problèmes, dans des contextes bien différents, qui ont construit un savoir-faire. « La compétence est un agencement et non un geste élémentaire. Être compétent, c’est savoir enchaîner et même savoir improviser des enchaînements », écrit Guy Le Boterf 1.
2. La capacité à créer du savoir : sans doute la pierre angulaire de la compétence. Au travers de son parcours professionnel, il faut combiner une typologie de savoirs et savoir-faire (environnementaux, procéduraux, relationnels, techniques, communicatifs, opérationnels, etc.), pour, à chaque fois, déclencher le savoir-agir approprié.
3. La capacité à capitaliser, préserver, adapter, les savoir agir : c’est non seulement une compétence, mais aussi un moteur qui permet d’animer ce que l’on pourrait appeler un atelier d’expériences collectif et interdisciplinaire, dans une culture de la réciprocité.
4. La capacité à échanger, partager, transmettre les savoir agir est un acte managérial fort. Il s’agit de construire sur le quotidien un terrain cognitif commun. Car sachant que la plus grande partie des savoirs sont tacites, les individus ont une grande difficulté à les transférer. C’est bien pour cela qu’il est souhaitable de prendre le temps du debriefing : l’échange et le partage autour de situations significatives du travail, aléas, situations, problèmes. Et c’est bien cette aptitude de prise de recul dite aptitude « métacognitive » qui constitue la capacité à partager et échanger ses savoirs en action, sur l’action et pour l’action.
Dans un contexte où les missions deviennent bien plus complexes, le contenu du travail protéiforme, dans un environnement aussi en permanente évolution, la mobilité renforce le caractère autostructurant du travail et peut devenir, de ce fait, un outil de professionnalisation. Mais pour y parvenir, elle doit être managée bien plus finement.
1. Développer la compétence des professionnels. Construire les parcours de professionnalisation,
Guy Le Boterf, Liaisons, juin 2002.