« L’enquête publique : en shimaorais ! »
Espaces naturels n°31 - juillet 2010
Laoumi Aboutoihi
Chargé de mission à l’Agence des aires marines protégées
L’aboutissement du processus de concertation qui, en janvier dernier, a donné naissance au Parc naturel marin de Mayotte ne doit rien au hasard. Faire cheminer les populations vers l’acceptation d’un tel parc supposait nécessairement d’être compris avant même de comprendre les réalités sociales, économiques et culturelles. La mission1 a donc pris en compte le fait que nombre de Mahorais maîtrisent encore mal la langue française. Ainsi, les deux langues majoritairement parlées sur l’île (shimaorais et shibushi) ont été systématiquement employées lors des échanges destinés à recueillir les avis et dans les explications destinées à promouvoir le parc. Dans le même esprit, la mission comptait trois agents recrutés localement et susceptibles de percevoir plus intuitivement les hommes et les réalités.
L’équipe a ainsi sillonné les dix-sept communes de l’île pour expliquer le projet. Elle a mené des entretiens avec les pêcheurs, les aquaculteurs, les acteurs du tourisme afin de saisir les enjeux et problématiques de cette pêche vivrière.
Prendre en compte les usages s’est également avéré indispensable. La pêche au djarifa par exemple, est-elle ou non destructrice ? Celle-ci, pratiquée majoritairement par les femmes, consiste à prélever de petits poissons à l’aide d’un tissu faisant office de filet. Pour savoir s’il y a lieu de promouvoir cette pratique traditionnelle ou s’il convient de l’adapter afin de la rendre respectueuse de la ressource halieutique, une étude a été initiée avec une forte implication des femmes adeptes de cette pêche.
Par ailleurs, dans ce contexte où les gens participent difficilement (difficultés de déplacements, d’appropriation du projet…), une réflexion sur la mise en place de moyens adaptés a fait jour. Les registres déposés en mairie ne devaient pas restés vides de remarques ! Ainsi la communication s’est faite au travers d’articles de presse, de spots TV et radio, là encore en langues locales.
Quant aux propositions ouvertes à enquête publique et concernant par exemple les limites du parc ou les orientations de gestion, elles ont été déposées en mairie accompagnées d’un film en langues locales et diffusé en continu.
Un des points forts de cette concertation repose sur la mobilisation de personnes « relais » dans chaque commune : des agents du conseil général. Là encore, des hommes du terrain. Un atout indéniable !
1. Placée sous l’autorité du préfet, la mission a été mise en place par l’Agence des aires marines protégées.