Y aviez-vous pensé ?

Utiliser les archives pour gérer votre site

 

Espaces naturels n°40 - octobre 2012

Méthodes - Techniques

Antony Hannok
Symel

 

En étudiant les archives de l’armée de l’air, le gestionnaire de la lande du Camp a découvert qu’il campait sur une ancienne zone humide. Le plan de gestion en a été tout chamboulé.

Les usages anciens ont forgé nos paysages, et à bien des égards, leur biodiversité. Les landes de Lessay ne dérogent pas à la règle : déforestation, pastoralisme et cultures vagabondes furent leur lot durant des siècles.
Du constat à l’action, l’idée d’utiliser les archives pour prendre des décisions de gestion semblait évidente. Nos ancêtres en effet, ont consigné leurs usages de plusieurs manières : lieux dits, cartes, actes administratifs… Certes, nombre de ces données sont tombées dans l’oubli mais leur recherche peut donner lieu à de véritables découvertes. 
Ce fut le cas de l’étude des archives de la Marine nationale à Cherbourg pour le site de la lande du Camp.

Étude du plan masse. Cette propriété du Conservatoire du littoral qui couvre 113 hectares est une relique de la lande de Lessay qui, au 19e siècle, atteignait près de 10 000 hectares. Après avoir été un commun, elle est transformée en terrain d’aviation en 1927.
Mais, en 1935, les militaires décident de transformer les lieux et de créer un champ d’aviation. Cette sorte de grande piste triangulaire devait permettre de décoller et atterrir sous tous les vents. La décision provoque une campagne de levées topographiques consignées sur une sorte de plan masse.
Il comprend les altimétries, mais aussi l’emplacement des zones humides, les projets de drains de l’époque ou encore les volumes de sol à bouger.
Les travaux n’aboutiront jamais entièrement, mais la carte est une véritable auscultation du site. Maintenant, soixante-dix ans plus tard, elle sert de référence dans la gestion du site.
En effet, cette donnée historique est suffisamment précise pour permettre un calage sous système d’information géographique (SIG).

Révélation. Ce calage a provoqué quelques surprises et notamment la révélation de zones humides oubliées par les campagnes de prospection des botanistes ou encore par l’analyse des orthophotographies. En effet, la levée topographique indique l’emplacement des banques de graines potentielles.
Croisée avec les données ultérieures, elle met en évidence que les eaux de pluie étaient renvoyées vers un autre bassin versant. L’actuel étant cause d’inondations locales. De même, une mare profonde de 2,5 m en 1935 a été redécouverte. Idem pour des mouvements de matériaux ou le comblement de marécages.
Sur cette base, un certain nombre de travaux de génie écologique (classes ou régie) ont donc été entrepris par le Symel, gestionnaire du site : bouchage de drains, étrépages ou décapages.
Des négociations avec l’aérodrome voisin pour une gestion autonome de l’écoulement des eaux de surface sont également engagées. Le but étant de boucher un énorme drain qui influence les écoulements de surface.
Et, ça marche ! Les premiers résultats démontrent le retour d’espèces pionnières acidiphiles ou le renforcement de leur population : rynchospores, droseras, utriculaires, gentianacées minuscules, mais aussi l’apparition de la spiranthe d’été. De nombreux cortèges d’insectes et d’amphibiens recolonisent les zones restaurées. •