Alternative

L’agriculture à Haute valeur naturelle pour la biodiversité dans les sites semi-naturels

 
Gestion patrimoniale

Xavier Poux
EFNCP-Asca

 

À travers l’agriculture à Haute valeur naturelle, il s’agit de resituer les espaces semi-naturels dans le fonctionnement technique, économique et social des systèmes de production.

L’agriculture à Haute valeur naturelle a une particularité : elle est la seule à prendre en compte, spécifiquement, les enjeux de conservation de la biodiversité à large échelle.
De l’agriculture biologique à l’agriculture écologiquement intensive en passant par l’agriculture durable… l’ensemble des notions à l’interface de l’agriculture et de l’environnement est foisonnant. Mais, alors que les autres cadres considèrent la biodiversité de manière plus ou moins précise et explicite, comme l’agriculture à Haute valeur environnementale avec laquelle elle est fréquemment confondue, l’agriculture à Haute valeur naturelle (HVN) met les milieux semi-naturels au centre de son analyse.

Obligation de résultats. Beaucoup d’approches partent d’une obligation de moyens supposés globalement favorables à la biodiversité (tels la limitation des pesticides ou encore le fait de fixer un taux de surface agricole en infrastructures agro-écologiques). L’agriculture HVN repose, elle, sur une obligation de résultats. L’enjeu est de comprendre les caractéristiques agricoles explicatives de la valeur naturelle et non de considérer les choses du point de vue des seules pratiques, en faisant l’économie de la preuve.

Critères fonctionnels. Ceci ne signifie pas pour autant renoncer à comprendre les facteurs explicatifs de la biodiversité. Les travaux relatifs à l’agriculture HVN mettent ainsi en avant trois grands critères fonctionnels et structurels dans les systèmes de production. Combinés, ils contribuent à une haute valeur naturelle à une échelle paysagère : le bas niveau d’intrants, la présence de milieux (agricoles) semi-naturels, la diversité agro-paysagère.
La contribution relative de ces facteurs permet de distinguer deux grands types de systèmes HVN : ceux où une forte proportion de milieux semi-naturels est le facteur clé (type 1), ceux où ces milieux se combinent à une diversité paysagère élevée (type 2).
Un troisième type, plus marginal, rend compte des situations où la végétation semi-naturelle n’est pas déterminante (pour certaines espèces d’oiseaux par exemple).
Le schéma ci-contre résume cette approche générique, qu’il s’agit de décliner dans les différents territoires, en considérant les gradients agro-écologiques à l’œuvre.

Valeur tangible de la biodiversité. Sur un plan socio-politique, ce type d’agriculture propose une reconnaissance concrète des formes de biodiversité dans les territoires et les paysages, dépassant les approches parfois trop « technos ». Elle met en avant des parcours extensifs et leurs cortèges floristiques, des oliveraies âgées et des oiseaux, des prairies de fauche et des papillons…
Cette capacité à représenter et expliquer la valeur patrimoniale, sociale et culturelle de la biodiversité et son lien avec certaines formes d’agriculture extensive (à faible niveau d’intrants) comble un manque de reconnaissance politique, à l’heure où l’intensif (fût-il écologique) fait l’objet de la plupart des attentions.

Une double vérité. Avec l’agriculture HVN, les acteurs politiques, mais aussi certains chercheurs, sont amenés à considérer que l’avenir de la biodiversité à moyen terme nécessite de conserver les habitats semi-naturels existants et de les gérer par des formes d’agricultures extensives et ce, à large échelle. La perte de ces habitats, par déprise ou intensification, est largement irréversible et ne peut être compensée à court terme par des pratiques agricoles plus vertueuses dans d’autres zones intensives (ce qui n’empêche en rien d’envisager des progrès dans ces zones !).
L’agriculture HVN permet aussi de rappeler que la conservation des habitats passe par l’accompagnement de systèmes sociaux complexes qui ont établi un équilibre dynamique entre exploitation agricole et processus naturels.

Supplément d’exigence. Si l’agriculture HVN ne s’oppose pas par principe aux autres modèles, elle met tout de même en évidence l’absence de contribution notable de nombre d’entre eux, telle l’agriculture raisonnée, à la gestion de la biodiversité.
À travers l’agriculture HVN, il s’agit de resituer les espaces semi-naturels dans le fonctionnement technique, économique et social des systèmes de production. Toutes choses importantes pour les gestionnaires d’espaces naturels, dans leur compréhension des enjeux mais également dans leur relation aux acteurs du territoire, agriculteurs en premier lieu.
L’agriculture HVN permet au total de porter dans le débat social et politique le rôle positif de certaines formes d’agriculture généralement jugées inefficaces et largement négligées dans les politiques publiques, alors qu’elles sont essentielles au maintien d’un des plus grands biens que possède l’Europe : son patrimoine naturel.
Dans cette perspective, HVN rajoute incontestablement une couche d’exigences et requiert une finesse d’analyse qui sort des indicateurs couperets, des seuils valables partout et des réponses techniques ou politiques simplistes. Toute chose qui en freine le développement. Mais peut-on en faire l’économie alors que l’enjeu de conservation de la biodiversité agricole est en jeu ?