Le substrat des friches minières favorise les espèces remarquables
Espaces naturels n°38 - avril 2012
Guillaume Lemoine
Chargé de mission ingénierie écologie EPF Nord - Pas-de-Calais
Sols industriels et biodiversité ne sont pas toujours antinomiques.
Dans les sites industriels, la nature est généralement peu présente. Quant aux sols, largement anthropisés, ils ne sont pas propices à la biodiversité. Cette affirmation un peu hâtive mérite d’être relativisée, notamment à la lumière d’exemples pris dans la région Nord - Pas-de-Calais où des observations naturalistes ont permis de faire de surprenantes constatations : les terrils miniers, les carrières et les sablières de la région favorisent des espèces remarquables !
L’activité industrielle, principalement extractive, a en effet permis la mise en surface de substrats géologiques normalement recouverts par les limons fertiles des plaines agricoles et la création de ruptures de reliefs (intéressantes dans une région au relief très modéré). Ces substrats, qui peuvent avoir de fortes ressemblances avec ceux des milieux
dunaires, des coteaux calcaires ou des landes acides, offrent des milieux neufs à coloniser et constituent des biotopes de substitution pour de nombreuses espèces de faune et de flore dont la surface des habitats est largement déficitaire ou en régression au sein du territoire
régional.
Le sol ? Un biotope ! Ainsi, ces nouveaux milieux accueillent régulièrement des espèces en condition de conservation défavorable tels l’engoulevent d’Europe, le pélodyte ponctué, l’alyte accoucheur, le lézard des murailles… et dans certains cas des espèces nouvelles pour la région (goéland cendré, hibou grand-duc…).
Dans la carrière de sablons d’Hamel (59), les écologues du département et les naturalistes locaux ont noté la présence d’un nombre très important d’hyménoptères sabulicoles1. Ces abeilles et guêpes solitaires se rencontrent principalement dans les milieux chauds et secs qui présentent une faible couverture végétale. La prospection a permis notamment d’observer au printemps d’importantes colonies d’abeilles (andrènes des sables et collètes-lapins) et d’y recenser au cours de l’été de nombreuses autres espèces des genres Andrena, Colletes, Dasypoda, Halictus, Nomada, Sphecodes…
Si les plages de sable (ou de schistes houillers) bénéficient d’un ensoleillement suffisant et de préférence à l’abri des vents, ces vastes étendues minérales permettent aux insectes, par leurs conditions pédologiques, de bénéficier de terrains meubles qui se creusent facilement. Le caractère minéral et la granulométrie des matériaux en place donnent également aux substrats de bonnes conditions de drainage, de sécheresse et de réchauffement. Ce réchauffement est accentué par la pauvreté agronomique du sol qui empêche le développement rapide d’une végétation herbacée dense. On comprend facilement les enjeux de la préservation de ces milieux qui ont tendance à disparaître (comblement des sablières et des carrières, décharges, dynamique naturelle de la végétation…) ou à être requalifiés de façon maladroite.
Renaturation. Cette sablière fait l’objet d’une renaturation environnementale ambitieuse. Conscients de la richesse du site, l’exploitant et la mairie ont décidé d’abandonner une partie du gisement afin de maintenir les très importantes bourgades d’hyménoptères (probablement les plus importantes au niveau régional). Après remblaiement partiel, le site sera recouvert d’une couche de sable acide, dénué de matière humifère pour favoriser l’extension des colonies d’abeilles sauvages et permettre à la flore spécialisée de ce type de milieux aux fortes contraintes écologiques de s’étendre. Cette renaturation a été prévue à la place du projet initial qui prévoyait un boisement. Décision courageuse dans une région déficitaire en espaces récréatifs et surfaces boisées (12,5 % du territoire régional).
1. En plus d’une très importante colonie d’hirondelles de rivage (six cents nids !) et la présence d’une végétation psammophile et acidophile caractérisée par les petites cotonnières et spergulaires rouges.