« En milieu périurbain, les espaces verts… répondent à des vocations multiples »
Espaces naturels n°11 - juillet 2005
Guillaume Lemoine
Ecologue au Conseil général du Nord
Pouvez-vous nous éclairer sur le concept de gestion différenciée ?
La gestion différenciée, c’est l’intégration des problématiques environnementales dans les pratiques courantes de gestion des espaces verts. Je parle bien d’espaces verts : du square urbain, des grands parcs d’agglomération, ou encore des espaces périurbains.
La gestion différenciée prend en compte les exigences écologiques des espèces ou des habitats présents, mais elle regarde également les usages sociaux et récréatifs de ces espaces et la dimension de marketing territorial.
De marketing territorial ?…
De vitrine, si vous préférez. Sur le parvis de l’hôtel de ville, il y a un espace vert. Il est interdit au public, mais il joue un rôle en terme de communication.
Donc, la gestion différenciée…
Le gestionnaire territorial va analyser les usages, surfaces, potentialités du terrain. Son écologie, ses espèces, ses habitats… À partir de là, il définit une vocation souhaitée pour cet espace. Le mode de gestion en découlera directement. Ainsi, devant la mairie, nous maintenons sciemment une pelouse. La difficulté est de définir clairement les objectifs. En effet, ils sont toujours multiples : conservation de la nature à 80 %, ou marketing et pelouse d’agrément pour pique-nique et poussette à 80 %. Ce sera toujours du 80-20. En périurbain, il n’y aura jamais du 100 % quelque chose.
Il s’agit d’ailleurs d’une approche globale du territoire : l’ensemble des espaces doit répondre à l’ensemble des vocations.
Gestion différenciée, cela signifie aussi intervenants différenciés ?
L’absence de cloisonnement entre les approches est un axe important. La gestion différenciée fait appel aux techniques des espaces verts mais également à l’ingénierie spécifique propre aux espaces naturels protégés et à l’agriculture. La contribution de celle-ci montrera comment faucher une prairie périurbaine, récolter le foin et participer ainsi à l’entretien de l’espace pour que les enfants viennent jouer.
Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’il s’agit d’une démarche philosophique dans l’optique du développement durable. Bien sûr, nous pouvons supprimer les mauvaises herbes sur les trottoirs. Mais nous préconiserons un désherbant thermique.
L’absence de cloisonnement entre les métiers s’exprime aussi avec le paysagiste. Nous lui demanderons d’intégrer les problématiques de gestion dès la conception de l’espace. Si l’on veut que les gestionnaires territoriaux modifient leurs pratiques, il faut leur donner tous les outils pour qu’ils puissent le faire. Ainsi, la gestion différenciée implique une réflexion sur les matériels, la formation, la communication…
Vous parlez d’habitats présents ou potentiels. Qu’entendez-vous par là ?
Ce sont les habitats susceptibles d’émerger sur un espace, simplement parce que vous modifiez son mode de gestion. Un exemple : la commune de Grande-Synthe possède des espaces verts sur zones sableuses. Ce sont des terrains très filtrants, très secs. Nous avons suggéré d’arrêter la tonte et de gérer ces terrains par la fauche. Conclusion, le terrain s’est appauvri et on a pu y compter jusqu’à 600 pieds d’orchidées qui ont fleuri l’année suivante.
Comment définissez-vous la notion d’écoparc en milieu urbain ?
Par éco, entendez écologique et économique. L’écoparc de Lomme, par exemple, s’étend sur une trentaine d’hectares. Pour répondre à cette double logique, c’était un agriculteur qui fauchait l’espace pour l’entretenir. Comme la gestion différenciée, l’écoparc répond à une approche globale de méthodologie de projet.
Recueilli par Moune Poli