Restaurer après drainage et exploitation

 
ce qui est possible

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Le Dossier

Philippe Grosvernier
LIN’eco

 

Oui, les tourbières sont souvent susceptibles de restauration. Non, ce processus n’est pas facile. Il est lent et nécessite une méthodologie élaborée.

Le drainage et l’exploitation de la tourbe ont pour principale conséquence une forte perturbation du fonctionnement hydrologique des tourbières. Il s’ensuit la disparition des plantes et animaux caractéristiques, une forte banalisation des milieux et finalement une perte de biodiversité significative.
Dans les pays d’Europe occidentale, ce phénomène a pris une telle ampleur qu’il a justifié la mise en œuvre de programmes de restauration. En restaurant tout ou partie des fonctions hydrologiques d’une tourbière, il est en effet possible de favoriser le développement d’une végétation typique des marais et de réinitier un processus d’accumulation de tourbe. Les mesures entreprises visent avant tout à conserver le plus possible d’eau de bonne qualité à l’intérieur de la tourbière et à rehausser le niveau de la nappe dans la tourbe.
Mais, dans bien des cas, les perturbations engendrées par le drainage et l’exploitation de la tourbe ont irrémédiablement modifié la tourbière. Dès lors, il est illusoire de vouloir retrouver l’état d’origine. Ce constat oblige le gestionnaire à bien examiner la situation de la tourbière à restaurer et à mettre en œuvre des mesures de restauration en fonction d’objectifs cohérents et réalistes. Il doit pour cela tenir compte de la situation de la tourbière dans son nouveau contexte hydrogéologique et biogéographique.
D’autres critères peuvent également intervenir dans la conduite des mesures. Notamment, en regard de la gestion conservatoire d’espèces invertébrées liées à divers types d’habitats qui peuvent parfois être associés aux stades précoces des successions végétales conduisant à la formation de la tourbière à sphaignes.
La plus grande difficulté consiste
à définir des objectifs réalistes
Les possibilités réelles d’intervention dépendent de multiples critères : les conditions topographiques, le type de tourbière (bombée, de pente, de percolation… cf. p. 9), la présence de drains (forme, profondeur, densité), la provenance et donc la qualité des eaux qui alimentent la tourbière, l’épaisseur et la qualité du substrat tourbeux, la présence de réservoirs de populations d’espèces clés en matière de restauration ou encore d’espèces prioritaires en termes de conservation. Le gestionnaire est par conséquent le plus souvent confronté à un choix entre plusieurs options de restauration possibles. La plus grande difficulté consiste à définir des objectifs réalistes en fonction de ces différents critères.
Une fois les objectifs clairement établis, diverses techniques de restauration sont applicables, par exemple :
• le barrage de drains à ciel ouvert, ou leur comblement total ;
• le blocage ou la suppression de tuyaux de drainage, y compris en périphérie de la tourbière, sans quoi les mesures prises en surface pourraient s’avérer vaines ;
• l’aménagement de bassins permettant d’accumuler des réserves d’eau ;
• la plantation d’espèces pionnières soigneusement sélectionnées, afin de faciliter la restauration de surfaces de tourbe nue ;
• le débroussaillement, qui permet une ouverture du milieu et une plus grande hétérogénéité des structures végétales.
L’accompagnement du processus de restauration au fil des ans et des décennies ne doit pas être négligé non plus. Ainsi, un entretien, parfois sous la forme d’une exploitation agricole mesurée, peut s’avérer nécessaire au maintien des milieux restaurés, en attendant qu’ils retrouvent leur faculté d’autorégulation. Un tel accompagnement nécessite un suivi, de manière à contrôler et, le cas échéant, à corriger l’évolution des milieux en cours de restauration.