La parole à Laurent Russias

Conviction, acquisition

 
le bon dosage

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Le Dossier

Responsable du service environnement au Conseil général de la Loire.

 

Le département de la Loire a accepté la compétence relative à la gestion des espaces naturels sensibles1. De quels moyens financiers disposez-vous ?
Effectivement, depuis quinze ans, nos élus ont choisi de mener une politique en faveur des espaces naturels sensibles. Face à cette compétence, le législateur a prévu un outil financier. Nous prélevons donc la taxe départementale pour les espaces naturels sensibles. Nous avons opté pour un taux de 1 %. Ce qui, concrètement, nous permet de disposer d’un budget d’un million d’euros par an.
La loi ne définit pas les espaces naturels sensibles, comment avez-vous arrêté le champ de ces compétences ?
Nous avons conduit des inventaires départementaux pour déterminer quels espaces étaient les plus menacés. Nous avons identifié cinq milieux prioritaires parmi lesquels s’inscrivaient les tourbières. 93 sites de tourbières ont ainsi été répertoriés. Ils appartiennent pratiquement tous à des propriétaires privés.
Vous avez refusé la politique d’acquisition foncière ?
Non. Ce que nous avons refusé, c’est d’user du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles. D’une part, parce que nos élus considèrent qu’il y a une atteinte à la propriété privée et, d’autre part, parce que l’occasion d’un droit de préemption ne se présente pas tous les jours. C’est une politique de très très long terme. Par contre, nous ne négligeons pas la maîtrise foncière directe. Pour vous donner un ordre d’idée, chez nous, une tourbière se vend moins de 1 000 euros l’hectare. Il faut dire que ces terrains ne sont pas très valorisés par l’agriculture.
Vous achetez beaucoup…
La maîtrise foncière directe est effectivement mise en avant, mais nous aidons plutôt les collectivités à devenir propriétaires. Nous finançons l’acquisition, ou cherchons des fonds européens de manière à limiter l’autofinancement des communes à 20 %.
Il était très difficile au début de convaincre les élus locaux, d’abord parce que ce n’était pas dans leur culture et certainement, aussi, parce que nous sommes face à des communes à faible budget qui ont d’autres priorités.
Aujourd’hui, dix ans plus tard, les choses ont évolué…, les élus sont davantage convaincus de l’importance
des tourbières. Je pense que notre action y est pour quelque chose… Nous développons d’ailleurs un rôle d’appui technique.
Une acquisition… est-ce l’occasion
de convaincre de l’importance de ces milieux ou, uniquement, une procédure administrative ?
Vous avez raison de souligner ce point, car notre politique est basée sur la concertation. C’est sans doute pour cela que nous avons pu convaincre. Généralement, nous réunissons les propriétaires et les élus en mairie. Nous allons ensuite sur le terrain et animons des réunions publiques. Quelquefois, un site appartient à une vingtaine de propriétaires, d’où l’importance de cette animation foncière qui donne du sens à la vente et détermine l’accord. Quelquefois nous n’aboutissons qu’à une location sur vingt ans, mais nous « semons » notre message.
Quand le Département décide d’acheter directement, parce que les communes ne sont pas partantes, nous finançons aussi la gestion par l’intermédiaire de la TDENS. Le coût de la gestion peut varier. Par exemple, il y a quelques années, nous avons acheté une tourbière enrésinée. Le déboisement a coûté cher. En revanche, sur des sites bien préservés, l’objectif est simplement de faire un suivi scientifique.
Vous développez également l’outil conventionnel…
Oui. Les exploitants peuvent effectivement signer une convention avec le Conseil général pour une gestion respectueuse, sur la base du respect d’un cahier des charges. Mais il est vrai que nous privilégions la politique de maîtrise foncière.
Sur cet outil financier, quel bilan faites-vous ?
Je dis tout simplement que, sans la TDENS, on n’aurait pas de politique sur les tourbières. C’est un outil financier exceptionnel.

Recueilli par Moune Poli

1. Le code de l’urbanisme donne la possibilité aux Conseils généraux d’accepter (ou non) la compétence relative à la politique des espaces naturels sensibles.
Ils peuvent alors prélever la taxe départementale pour les espaces naturels sensibles (TDENS).
Cette taxe est indexée sur le bâti. Son calcul est indexé sur la Shhon (surface habitable hors œuvre nette). Son taux est fixé par le Département entre 0 % et 2 %. Aujourd’hui, environ les 3/4 des Départements ont accepté cette compétence.