Le type de zone humide le plus répandu dans le monde

 

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Le Dossier

Francis Muller
Pôle-relais tourbières

 

Les tourbières seraient le type de zone humide le plus répandu dans le monde ! Mais ce n’est pas le cas en France, où elles occupent moins de 100 000 ha. Cependant, les tourbières françaises présentent une surprenante diversité de types, de paysages, de situations.

Les tourbières comptent un nombre remarquable d’espèces intéressantes : sur environ un millième du territoire métropolitain, on y trouve 6 % (27) des espèces de plantes vasculaires de la liste rouge nationale, 9 % (39) des espèces protégées nationales. Par ailleurs, 6 % des espèces de la flore vasculaire sont inféodées aux tourbières. Elles attirent par leur beauté, leur aspect original. Une partie d’entre elles a gardé un caractère naturel très marqué, certaines même semblent pouvoir se maintenir en équilibre, sans intervention humaine autre que la préservation.
Dans les pages qui suivent, et afin de mieux appréhender les tourbières, il convenait de rappeler les éléments essentiels de leur fonctionnement. Parmi eux : l’eau, qui par sa nature et par sa permanence en qualité et quantité, est déterminante pour créer et maintenir une tourbière active. Mais d’autres éléments font la grande originalité des tourbières et doivent être suivis en détail par le gestionnaire : les uns incontournables, comme les sphaignes qui président aux destinées de toute tourbière acide, les autres méconnus mais essentiels, comme les micro-organismes qui s’y développent.
Plus que d’autres milieux, les tourbières induisent la question de l’intervention du gestionnaire. Un regard sur la relation de l’arbre (et de la forêt) avec la tourbière est par exemple nécessaire, afin que le « syndrome du castor » ne nous gagne. Dans d’autres cas, et surtout lorsque des dégradations se sont produites, des actions de gestion voire de réhabilitation paraissent indispensables ; issues de l’expérience suisse, quelques pistes en matière de restauration active sont encourageantes. Elles montrent cependant les limites de l’exercice : la conservation, ici aussi, est préférable à la réhabilitation.
Des mesures durables, ou qui devraient l’être, passent par des interventions de l’État ou des collectivités. Il est des cas où les conseils généraux ont pu intervenir, soit par des mesures de type agri-environnemental, soit grâce à la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles. Des initiatives privées sont aussi à souligner. C’est le cas des réseaux Sagne qui s’intéressent à de petites tourbières, échappant à l’emprise du réseau Natura 2000 ou des Réserves naturelles. Et puis, preuves chiffrées à l’appui, le doigt sera mis sur l’ineptie de plantations boisées sur ces sites. Encourageantes sans doute, ces réflexions devraient utilement inspirer les gestionnaires pour une transposition aux tourbières alcalines et aux plantations de peupliers qui souvent les envahissent.
Et puis, pour réfléchir à l’avenir, nous ne négligerons pas la situation des tourbières dans d’autres pays, prises en étau entre un mitage qu’elles continuent de subir et des atteintes provoquées par l’exploitation de la tourbe. Certes ces dernières menaces s’estompent dans notre pays, mais en tant que consommateurs de tourbe, nous en restons responsables. Les mesures prises, comme celles contenues dans le Plan d’action pour les zones humides, suffiront-elles à endiguer le recul des tourbières ?