>>> La coulée verte de Mardyck

La reconversion de terres agricoles en espaces naturels

 

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Gestion patrimoniale

Guillaume Lemoine
Département du Nord
Fabrice Truant
Communauté urbaine Dunkerque
 

La reconquête de sites agricoles délaissés pour créer des zones naturelles présente de grandes potentialités pour l’accueil de la faune et de la flore sauvages. Ils peuvent remplir les rôles de refuges ou d’habitats complémentaires pour de nombreuses espèces et participent au renforcement du maillage écologique de secteurs géographiques complets.

Le Nord ! ses terrains agricoles… ses espaces dégradés aussi. Était-il possible de reconvertir les anciens polders en espaces naturels respectueux des habitats présents ou potentiels ? De protéger et de développer les richesses patrimoniales des sites ?
L’action la plus significative est sans doute l’aménagement d’une coulée verte sur les communes de Mardyck et Loon-Plage. Menés en trois phases successives 1, les travaux débutent en 1999 pour s’achever en 2001.
Vingt-huit hectares sont ainsi aménagés par le Département. Des opérations de terrassements et de décapages ont permis la formation de dépressions humides, de pelouses sèches et steppiques, de prairies sur des terres agricoles initialement vouées à la culture céréalière. Huit hectares de boisements sont également créés par la plantation d’arbres sélectionnés parmi les essences régionales. À cette surface, s’ajoutent 2,6 km de canaux et watergangs 2 bordés de saules têtards, plantés pour la circonstance.
Pour que les potentialités écologiques des anciens espaces agricoles soient intéressantes, il est souvent nécessaire de remodeler le sol. L’étrépage de l’horizon organique permet notamment d’appauvrir le sol, ce qui favorise l’implantation d’une flore d’intérêt patrimonial. Par ailleurs, cette opération a permis la germination de graines issues de plantes locales et conservées dans le sol durant l’exploitation agricole.
Alors qu’initialement les prairies avaient été semées à la densité de 15 g au m 2,
les nouveaux semis sont très lâches (10 g au m 2). Bien évidemment, les fabacées et graminées à forte croissance sont proscrites. Ce choix vise à limiter la croissance du tapis herbacé et à réduire les coûts d’entretien. Ces semis très légers (ou absents dans les dépressions) ont pour but de favoriser le réveil de la banque de semences du polder et la germination de graines apportées par le vent.
Le coût global de l’opération est estimé à 460 000 euros, soit 1,62 euro/m 2.
Le bilan écologique
Parmi les espèces ciblées : le crapaud calamite qui affectionne les milieux pionniers, pauvres en végétation. Le succès est quasi immédiat ! À partir de milieux sources, éloignés de plusieurs kilomètres, ils colonisent rapidement ces nouveaux espaces ouverts. Espaces qui eurent également les faveurs des tadornes de Belon et de divers limicoles parmi lesquels on a pu constater la reproduction du vanneau huppé, du petit gravelot et, probablement de l’avocette élégante.
À l’heure du bilan, on peut constater la présence de la samole de Valérand, de la chlore perfoliée, de la petite centaurée, d’une espèce d’élocharis et du gnaphale jaunâtre dans les sables humides. Callitriche truncata et œnanthe aquatique furent également recensées dans les fossés. Les prairies sèches accueillent, quant à elles, l’érigéron âcre, la bugrane épineuse et l’ophrys abeille.
Au cours de l’hiver 2003-2004, la troisième tranche a permis de créer un hectare de marais sur une ancienne voirie située
à proximité immédiate des sites. Y domine la phragmitaie. Aujourd’hui, la totalité des roselières compte plus de deux hectares tout comme les surfaces en eau libre (étangs, mares).

1. La demande émane du Port autonome de Dunkerque (propriétaire des terrains). La maîtrise d’ouvrage fut portée par le Conseil général, en accord avec la Commune et en liaison avec la Communauté urbaine de Dunkerque (organisme gestionnaire).
2. Fossés riches en roseaux, caractéristiques de la Flandre maritime.