Agroécologie

 

Espaces naturels n°64 - octobre 2018

Des mots pour le dire
Aurélie Javelle, anthropologue de l’environnement

Aurélie Javelle, anthropologue de l’environnement

L’agroécologie est une approche alternative à une agriculture intensive qui a amené un appauvrissement des agrosystèmes. Elle promeut des systèmes de production agricole valorisant la diversité biologique et les processus naturels pour assurer la fertilité du milieu, atteindre un niveau de productivité élevé et fournir des services écosystémiques, tout en réduisant – voire supprimant – l’usage de produits de synthèse (engrais, pesticides) et d’énergie fossile. Elle recouvre de multiples réalités. Elle peut désigner une logique de simple substitution ou bien des innovations radicales d’ordre technique, social, institutionnel. Le concept recouvre à la fois un ensemble de pratiques, une science et un mouvement social. La dimension sociale et politique émerge en Amérique latine dès les années 1970 afin de défendre une agriculture alternative en réponse à l’exclusion de milliers de petits agriculteurs paupérisés par la révolution verte et la modernisation agricole. En France, la dimension sociale est défendue par des mouvements comme Terre & Humanisme. L’agroécologie mobilise de nombreuses disciplines : agronomie, écologie, sciences sociales, économie… Elle peut être appréhendée à diverses échelles et sous des angles variés, comme le fonctionnement des agroécosystèmes du point de vue biophysique, mais aussi en intégrant les pratiques des agriculteurs ou les liens aux divers acteurs des systèmes alimentaires.

L’agroécologie promeut des systèmes alimentaires respectueux des dimensions sociales, économiques et environnementales des territoires. Elle questionne l’organisation des filières et des marchés, ainsi que le phénomène de spécialisation car elle s’appuie souvent sur la diversification des productions à l’échelle de la parcelle, de la ferme ou du territoire. L’agropastoralisme ou l’agroforesterie en sont des exemples. L’agroécologie préconise de concevoir des systèmes techniques qui s’appuient sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des agroécosystèmes. Les objets de nature, perçus comme un facteur limitant et perturbateur en système productiviste (auxiliaires de cultures, arbres de bordure ou de plein champ, bactéries fixatrices d’azote, etc.), y retrouvent une place. Leur présence réintroduit de la complexité et de l’incertitude dans les systèmes de production. Si bien que l’agroécologie valorise des savoirs de diverses origines, en hybridant savoirs académiques et empiriques afin de répondre au mieux aux spécificités locales.