« Un atout ? Mon âge »

 
Rencontre avec Hervé Bouard

Espaces naturels n°17 - janvier 2007

Le Dossier

Hervé Bouard
Consultant environnement. Animateur d’un site Natura 2000 pour la Communauté de communes des coteaux de la Haute Seille (Jura).

 

Ce qui intrigue quand on connaît votre fonction, c’est votre statut de consultant. Vous n’êtes pas salarié de la Communauté de communes. Il n’y a pas de lien de subordination entre la collectivité locale et vous. Quelle différence cela fait-il ?
Effectivement, je suis consultant. Je travaille donc à mi-temps pour d’autres clients. Ce statut libéral n’a pas d’influence sur le contenu de mes missions. Néanmoins, pour avoir occupé ce même poste pendant neuf mois en contrats salariés successifs, je peux dire que j’ai gagné en liberté. Un salarié a une obligation de présence et des horaires définis. Aujourd’hui, j’organise mes journées plus librement. Je prends des rendez-vous à l’extérieur sans me sentir contraint. Cette souplesse est un avantage pour moi, mais aussi pour l’employeur sur un poste où la charge de travail est très variable et dépend, pour une part, de partenaires extérieurs. En revanche, pour ceux-ci, il n’y a pas de changement.
En fait, vous êtes un chargé de mission délégué…
On peut dire cela comme ça. C’est une solution qui nécessite un rapport de confiance entre les contractants mais elle peut convenir quand la collectivité ne souhaite pas avoir de salarié.
Que faites-vous exactement ?
Le site fait environ 1 500 ha. C’est une vallée en bordure du premier plateau jurassien. L’agriculture est en forte déprise. Il y a un peu d’exploitation forestière. En été, la pression touristique est forte à Baume-les-Messieurs… Mon rôle est d’initier l’application du document d’objectif. Je suis écologue. J’ai une formation scientifique en sciences naturelles. Par ailleurs, j’ai été enseignant. J’ai aussi un DESS « Espace rural et environnement ». Cette formation à dominante scientifique m’est directement utile pour bien cerner les objectifs de préservation.
Votre formation scientifique vous confère-t-elle une autorité ?
Pas dans tous les domaines, mais globalement je joue « le pivot ». Sur le site, il y a des compétences très pointues : un spécialiste du faucon pèlerin, le conservatoire botanique de Franche-Comté… Je suis en position d’analyser ces compétences et de voir si elles ont une utilité pour l’animation du site. Je suis consulté par les communes, le conseil communautaire, les élus, pour savoir si tel projet est en accord avec l’application du Docob et si l’on peut concilier les différents objectifs. On travaille aussi en collaboration avec la DDA, la Diren, la chambre d’agriculture, la DDE…
Votre travail intègre une part administrative et une part de communication, cela nécessite-t-il une formation initiale spécifique ?
Un scientifique très pointu qui ne manifesterait aucun intérêt pour le fonctionnement de notre société aurait certainement des difficultés à s’impliquer dans ce travail. Pour convaincre, il faut beaucoup écouter, parler, comprendre. Il faut trouver un langage commun pour faire accepter la notion de patrimoine naturel. On doit se transformer en une sorte d’hybride avec des compétences scientifiques, des qualités de communication et devenir un parfait technicien, capable de monter des dossiers financiers et administratifs.
Si vous deviez recruter votre remplaçant, que lui demanderiez-vous ?
Un minimum de compétences scientifiques mais aussi de l’humilité et de la modestie. Le pire est encore de se positionner en tant qu’expert infaillible qui tient un langage savant.
Vous avez d’autres atouts dans votre jeu ?
Je ne sais pas. Mon âge m’apporte sans doute une expérience des rapports humains qui m’est très utile. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas être chargé de mission à vingt ans, mais ce n’est pas idéal. Il vaut mieux avoir un peu vécu pour faire ce métier-là.

Recueilli par Moune Poli