Copie non conforme
Responsable de la mise en œuvre de quatre documents d’objectifs jurassiens, dont le massif du Risoux et la forêt du Massacre, Vincent Augé aborde les difficultés de financement…
Natura 2000 est une façon novatrice d’aborder la conservation de la nature, que nous considérons comme très positive. Mais la jeunesse de cette procédure fait que tout n’est pas encore calé. Pour notre part, nous avons rencontré des difficultés d’ordre administratif. Les obstacles les plus importants ont été relatifs au financement des interventions : comment faire coïncider les actions prévues au Docob et les cadres réglementaires actuels qui fixent la liste des mesures éligibles au contrat Natura 2000 ? Sur les sites du Risoux et du Massacre, il a fallu presque deux ans, pour trouver une solution1. En forêt, il n’y a que deux textes applicables aux financements. Il peut s’agir soit de financements des mesures forestières qui impliquent un bénéfice pour l’environnement, soit de mesures de génie écologique. Or, pour préserver le grand tétras, nous avions prévu des actions consistant en une adaptation des pratiques actuelles en futaie jardinée. Il se trouve que ces milieux ne sont pas éligibles au titre des mesures forestières classiques. Nous allons donc devoir modifier notre Docob pour entrer dans la case « génie écologique ». Cela change fondamentalement la donne. Au lieu d’agir sur les milieux encore favorables à l’espèce, nous allons viser la restauration d’habitats actuellement défavorables, en nous remettant au bon vouloir des propriétaires pour que l’entretien des secteurs favorables perdure. Mais cette question est plus générale. Par exemple, aujourd’hui, aucune mesure « sylvo-environnementale » n’est éligible aux financements.
Nous tentons d’être entendus des responsables qui élaborent les textes et négocient avec l’Europe. Par nos contributions écrites, nous voulons démontrer que certaines mesures sont mal couvertes par les
textes actuels. Nous espérons que les textes pourront alors s’adapter.
Autre difficulté importante, plus juridique celle-là : pour agir, il faut avoir la maîtrise d’usage sur les sites. Or, ce n’est pas toujours le cas sur les sites dont nous ou d’autres opérateurs nous occupons. Sur le site de Bonlieu par exemple, nous avons deux zones de tourbières excessivement morcelées. Notre Docob propose qu’au moins une des tourbières, dégradée par assèchement et enfrichement, puisse bénéficier de travaux de rénovation hydraulique, de défrichement et d’entretien. Nous ne pouvons pas agir tant qu’une structure ne possède pas cette maîtrise d’usage. Il y a actuellement une cinquantaine de propriétaires et, depuis trois ans, notre énergie passe à la réalisation de concertation pour aboutir à cette maîtrise, avec l’appui de la Safer de Franche-Comté. Nous privilégions l’achat des tourbières, car les montants sont assez faibles. Nous envisageons également la signature de conventions de gestion telles que les baux emphytéotiques. Actuellement, nous en sommes à 50 % de surface acquise. Les autres 50 % nous demanderont encore plus d’efforts. Soit parce que les propriétaires sont inconnus, soit parce qu’ils ne veulent pas vendre. Il va certainement falloir convaincre la commune d’entamer une procédure de bien vacant pour récupérer les parcelles sans propriétaires identifiés. Le fait que le comité de pilotage soit dirigé par un élu peut-il changer la donne ? Cela dépendra fortement de la personnalité de ce président et de son implication dans la procédure.
1. Ceci grâce à l’appui de nombreux partenaires : Groupe Tétras Jura, DDAF, PNR du Haut-Jura, collègues forestiers.