Le Cemagref confirme

 
le rôle fondamental des chargés de mission

Espaces naturels n°17 - janvier 2007

Le Dossier

Sylvie Vanpeene-Bruhier
Cemagref – unité de recherche ÉcosystÈmes montagnards

 

Comment les opérateurs de sites Natura 2000 perçoivent-ils les espaces dont ils ont la charge ? Dans quel contexte précis ces sites ont-ils été créés ? Avec quels outils, quelles difficultés ? Pour répondre à ces questions, le Cemagref a ouvert une enquête1 auprès des opérateurs locaux2. Les 192 réponses comptabilisées permettent de brosser un tableau représentatif de la gouvernance des sites Natura 2000.
L’histoire du site parmi les facteurs favorables. Interrogés sur les facteurs favorables à la création du site Natura 2000, 43 % des opérateurs mettent en avant les protections et gestions préexistantes, désignant par là la connaissance du terrain et les relations déjà en place. Par ailleurs, 42 % citent l’importance des relations humaines (24 % la volonté des acteurs locaux ; 18 % l’expérience et le réseau relationnel de l’opérateur). Les caractéristiques du site (richesse écologique, taille…) ne sont citées qu’à 15 %.
Parmi les facteurs dÉfavorables. 48 % des facteurs jugés défavorables à la gouvernance du site concernent les relations humaines (pour 20 %, il s’agit du manque de confiance des acteurs, pour 17 % de l’opposition locale et pour 11 % de lourdeur administrative, due aux zonages superposés sur le site). Par ailleurs, 32 % de ces facteurs concernent le site lui-même (taille trop grande et contexte agricole, urbain ou industriel) ; 11 % des réponses citent le manque d’information
et l’isolement des opérateurs et 9 % le manque de moyens financiers pour animer la rédaction du document d’objectifs (Docob).
Les difficultÉs d’Élaboration des Docobs. Évaluées en nombre de réunions et en durée, les difficultés à élaborer les Docobs sont corrélées au nombre de communes dans lesquelles s’inscrit le site (pour 95 Docobs extraits de notre échantillon). En totale logique avec les paragraphes précédents, les facteurs historiques et le type de relations existant entre acteurs constituent une difficulté aussi importante que celle des éléments liés à l’étendue du territoire. L’étude confirme ainsi le rôle fondamental des chargés de mission et le poids des situations originelles.
D’autres causes de difficultés sont également à souligner. Il s’agit de la déprise agricole (absence d’acteur pouvant gérer l’espace), des conflits d’usage (tourisme, loisirs) et de la superposition de zonages préexistants.
Les atouts de Natura 2000. Parmi eux, les acteurs locaux citent principalement la concertation (38 %) et les caractéristiques du site (19 %). À ces éléments, ils ajoutent : la connaissance du site, la protection et les outils de développement économique et les apports financiers. Ainsi, l’identité du territoire et sa reconnaissance à travers un processus de concertation sont des éléments clés de la bonne perception de cette
procédure par les acteurs.
Craintes et handicaps. S’exprimant sur ces points négatifs (cf. graphique), les acteurs locaux indiquent qu’il s’agit à 52 % de « peurs pour la propriété privée », aux contraintes que pourraient imposer Natura 2000 et au manque d’information. 16 % des acteurs soulignent un manque de confiance envers ce qui est imposé « d’en haut ». Ainsi, le mode de gouvernance des sites Natura 2000 subit les erreurs de communication du passé
et ne rassure pas quant à son devenir. Celui-ci est d’ailleurs intimement lié aux moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par les Docobs. En effet, 19 % des remarques dénoncent « le manque de moyens financiers et d’animation ». L’arrêt des contrats territoriaux d’exploitation (CTE) et la mise en place du Contrat d’agriculture durable (CAD) ont remis en question la pertinence de l’outil contractuel. À cet effet, plusieurs opérateurs soulignent les difficultés d’adapter les mesures du Docob avec les exigences du CAD.
On notera encore que 10 % des remarques négatives concernent la superposition des zonages, générant de ce fait une confusion entre des mesures liées à Natura 2000 et celles relevant d’autres procédures (refus de permis de construire fondé sur les textes d’un site classé mais argumenté par la mairie en référence à l’appartenance à une zone Natura 2000). S’ajoutent à cela les critères d’écoconditionnalité de la nouvelle Politique agricole commune.
La part importante du relationnel, la nécessité de bien informer tous les acteurs, l’attente forte d’une contractualisation réussie, mettent en avant le rôle d’animation dans l’élaboration d’un Docob mais aussi, au-delà, dans sa mise en œuvre.

1. L’enquête a été réalisée de janvier à juin 2004 suite à une convention signée avec le ministère chargé de l’Agriculture.

2. Semi-directif, le questionnaire qui leur est adressé concentre sa recherche autour de six thèmes : identification du site, contexte de sa création, perception, outils de gestion préexistants, mise en place et applicabilité du Document d’objectif. Plusieurs questions ouvertes permettent, en outre, de formuler des remarques.