Béziers-Est

Une autoroute détruit des habitats d’amphibiens

 
Mesures compensatoires

Espaces naturels n°29 - janvier 2010

Le Dossier

Damien Ivanez
Les écologistes de l’Euzière

 

Dans l’espace méditerranéen, il y a peu de retours d’expériences sur l’effet à moyen et long terme de la mise en place de mesures compensatoires adaptées à la conservation de populations d’amphibiens.

Entre Pézenas et Béziers, le nouveau tronçon de l’autoroute A75 a détruit trois mares temporaires (4 400 m2) : autant de sites de reproduction pour six espèces d’amphibiens. Aussi, afin de compenser ces impacts et après étude du fonctionnement écologique du site, quatre mares temporaires de substitution ont été créées. Un suivi sur cinq ans destiné à évaluer le succès de l’opération a ensuite été mis en place. Il consiste en une observation de la colonisation de ces espaces humides par la flore et par la faune avec des espèces dont la valeur patrimoniale est au moins égale à celle des espèces présentes dans les mares impactées. Concernant les populations d’amphibiens, le protocole prévoit des prospections nocturnes, durant la période de reproduction, très souvent employé afin de décompter le nombre d’individus reproducteurs de chaque espèce. Quatre prospections par an seront menées à trois semaines d’intervalle. Le peu d’expériences du même type donne à ce suivi un enjeu tout particulier. Il permettra de dupliquer l’opération sur d’autres territoires, en ajustant les modalités de mise en œuvre.
Pour mettre toutes les chances du côté de la diversité biologique du site, un cahier des charges contextualisé a été élaboré. Il convenait en effet de prendre en compte la topographie pour assurer une alimentation des mares en eau de ruissellement, l’accessibilité vis-à-vis des futurs milieux terrestres pour les amphibiens, mais aussi la géologie pour identifier d’éventuelles zones imperméables et, enfin, les habitats naturels pour ne pas détruire un milieu à fort intérêt écologique.
La question de l’imperméabilisation, artificielle ou non, a constitué une question fondamentale. En effet, malgré la présence d’un sol essentiellement argileux et la constatation que les mares détruites retenaient l’eau sans être artificiellement imperméabilisées, la capacité des zones d’implantation à garder l’eau n’était pas connue. Or, le pélobate cultripède, espèce la plus emblématique du site, a besoin d’une période de mise en eau d’au moins trente-trois semaines pour accomplir son cycle de reproduction.
La solution retenue a alors été d’imperméabiliser artificiellement deux mares et de réaliser de simples cuvettes pour les deux autres. Les travaux ont duré un mois et demi. Dix journées de suivi du chantier ont été nécessaires.
Une fois les mares mises naturellement en eau, une opération de plantation et d’ensemencement à partir de la végétation d’autres mares situées sur le tracé de l’autoroute a été réalisée. Plusieurs espèces ont ainsi été transplantées : massettes, phragmites, menthe aquatique, jonc diffus, jonc à fruits brillants…
Après une demande d’autorisation auprès du Conseil national de protection de la nature et arrêté préfectoral, les amphibiens ont alors été déplacés depuis les mares impactées vers les mares de substitution.
Quatre sessions de captures nocturnes, pratiquées au filet troubleau (épuisette à maille fine) ont été menées lors d’épisodes météorologiques favorables. Elles ont permis le déplacement de 129 amphibiens adultes et de nombreux têtards.
L’étroite collaboration entre tous les acteurs du projet a permis un déroulement exemplaire des différentes phases de réalisation, grâce à la mise à disposition de tous les moyens techniques et humains nécessaires.