Concertation

Concilier éoliennes et paysage

 

Espaces naturels n°67 - juillet 2019

Le Dossier

François Riquiez, responsable du pôle Sites et paysages Dreal Hauts-de-France

Si l’énergie éolienne est une des alternatives incontournables aux énergies fossiles, la question est de savoir si l’impact sur le paysage est acceptable au regard de la sensibilité de celui-ci. Or les politiques publiques ont autant pour objectifs de développer les énergies renouvelables, que de préserver les qualités et la diversité des paysages de nos régions.

Parc éolien de Quesnoy-sur-Airaine dans la Somme. © Dreal Hauts-de-France

Parc éolien de Quesnoy-sur-Airaine dans la Somme. © Dreal Hauts-de-France

Comme toute construction ou aménagement, un projet éolien modifie la perception du paysage1. Le fait que les éoliennes soient des installations de grande hauteur (entre 150 et 200 m en bout de pale aujourd’hui) les rend visibles de très loin (plusieurs dizaines de kilomètres) d’autant qu’un parc éolien comprend généralement 5 à 10 éoliennes et parfois beaucoup plus, un parc de 63 éoliennes de 200 m a ainsi été accordé dans les Ardennes. Pour évaluer l’impact d’un projet éolien sur le paysage, il faut dans un premier temps étudier les caractéristiques du paysage et sa sensibilité par rapport au projet. Les outils de connaissance que sont les atlas de paysage sont pour cela un document précieux qu’il convient de compléter par des études de terrain plus fines. Certains paysages sont plus « sensibles » que d’autres aux installations de grandes hauteurs : les petites vallées encaissées où l’effet de surplomb est à éviter, les sites protégés comme les sites classés ou les alentours des monuments historiques dont les covisibilités avec les projets éoliens sont à étudier, ou bien encore les territoires au relief légèrement vallonné, où une éolienne peut créer un effet de rupture d’échelle et d’écrasement du paysage du fait de sa grande hauteur. Dans un second temps, tous les documents fournis par le porteur de projets éoliens doivent être mis à profit pour permettre à tout un chacun de se rendre compte des impacts du projet sur le paysage lors notamment de l’enquête publique. Ce ne sont donc pas que des documents techniques destinés aux services de l’État.

Les impacts du projet sont notamment évalués à l’aide de coupes de terrain, mais surtout de photomontages pour lesquels le choix des points de vue est primordial. Ils doivent être le plus représentatif possible mais le lecteur devra avoir conscience qu’une photographie a toujours tendance à atténuer le relief et donc à minimiser l’impact visuel. Dans la mesure du possible, l’implantation des parcs suivant les lignes de force du paysage permettra de réduire l’impact et peut même favoriser la lecture du paysage. A contrario une implantation sans logique paysagère et sans cohérence avec d’autres parcs existants à proximité viendra perturber la lecture du paysage. Enfin, le porteur de projet devra démontrer qu’il a mis en oeuvre la séquence « Éviter, réduire, compenser » (ERC), c’est-à-dire qu’il a choisi un site et une variante qui évitent ou réduisent au minimum les impacts et qu’il propose des mesures compensatoires pour les impacts résiduels. Cependant, en matière de paysage, la compensation est souvent difficile à trouver et les mesures proposées sont généralement des mesures d’accompagnement comme l’effacement des réseaux aériens. Un des enjeux particuliers dans les régions fortement investies par l’éolien est d’éviter la banalisation des paysages et la saturation visuelle des horizons. La région Hauts-de-France est la première région française avec environ 1 700 mats installés et 800 accordés (chiffres février 2019) avec des concentrations dans les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l’Aisne. La nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) reste ambitieuse en matière d’énergie éolienne terrestre et l'annulation de presque tous les schémas régionaux éolien rend la planification des projets plus compliquée. Afin de limiter les effets de saturation visuelle tout en permettant de continuer à installer des éoliennes, la Dreal Hauts-de-France a lancé une étude dont le but est de proposer une aide à la décision et une meilleure prise en compte de ce risque par les porteurs de projets.

(1) Selon la convention européenne du paysage reprise par l’article L350-1 du Code de l’environnement, « le paysage est une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».