Forêt : une alliée exploitée
Les forêts sont au coeur des transitions énergétique et écologique : en tant que pourvoyeuses d'une énergie durable, mais aussi comme puits de carbone. Comment les gérer dans le contexte complexe du changement climatique. Réponses de Pierre Paccard, chargé de mission forêt du PNR du massif des Bauges et référent forêt de la Fédération des parcs naturels régionaux de France.
Quels sont les enjeux de la gestion durable des forêts dans le double contexte de transitions énergétique et écologique ?
Les enjeux relèvent à la fois de la capacité des forêts à stocker du carbone, de la capacité des écosystèmes forestiers à répondre à une économie bas-carbone mais également du modèle de sylviculture qui pourrait être proposé pour s’adapter aux évolutions climatiques. En d’autres termes, il s’agit de mettre en oeuvre une gestion forestière qui puisse faire converger atténuation et adaptation au changement climatique, sans mettre en péril la qualité des écosystèmes forestiers. Le défi est donc de mettre en oeuvre une gestion forestière qui permette à la fois de conforter le stock de carbone en forêt et, en même temps, de récolter davantage de bois en vue d’alimenter une économie bas-carbone. Dans cette complexité, l’enjeu est également de proposer une gestion sylvicole adaptée aux évolutions climatiques à l’oeuvre (réchauffement des températures, augmentation des risques de sécheresse, migration des essences forestières, etc.).
Quels outils peuvent-être utilisés pour améliorer la gestion ?
Améliorer la gestion implique d’abord d’améliorer la connaissance de la ressource forestière. Des avancées méthodologiques et scientifiques récentes sur la cartographie forestière par télédétection Lidar permettent aujourd’hui de connaître très finement la ressource (lire Espaces naturels n°50). Ce type de projet vient d’être mené dans les PNR des Ballons des Vosges, des Grands Causses ou encore du massif des Bauges, en partenariat avec des organismes tels que l’IGN ou l’Irstea. Autre exemple, le label bas-carbone doit concrètement permettre à une entreprise de certifier ses réductions d’émissions en les compensant dans un projet de gestion forestière vertueuse du point de vue du stockage du carbone. Autre outil, très opérationnel, en région Auvergne- Rhône-Alpes, Sylv’ACCTES, permet de soutenir financièrement des travaux sylvicoles, dès lors que la conduite des peuplements s’inscrit dans le cadre d’une gestion durable et multifonctionnelle. Une entreprise, ou une collectivité, abonde un fonds qui est mis à disposition de propriétaires, dans le cadre d’un projet sylvicole défini territoire par territoire.
Quelles sont les perspectives ?
Les perspectives d’amélioration de la gestion des forêts françaises sont immenses. De nombreuses forêts échappent à la gestion notamment du fait de la structure même de la forêt française, essentiellement privée, assez morcelée, et qui nécessite donc une animation de tous les instants. Beaucoup de recherche et de développement restent à réaliser en matière de lutte contre et d’adaptation aux changements climatiques. Je pense notamment à un projet coordonné par l’Agence française pour la biodiversité (AFB) qui vise à faire connaître et démontrer l’efficacité des solutions fondées sur la nature pour l’adaptation au changement climatique. Il est en particulier prévu de tester des solutions d’adaptation des forêts grâce à une sylviculture fondée sur la nature (couvert continu, régénération naturelle, augmentation de la capacité d’accueil pour la biodiversité, augmentation du bois mort, etc.). De mon point de vue, il faut en effet être vigilant à ne pas tomber dans trop d'artificialisation sous prétexte de résistance aux changements climatiques, ni dans la surexploitation sous prétexte de réduction des énergies fossiles. Les PNR défendent une gestion forestière garantissant la résilience écologique des forêts et leur capacité à répondre durablement aux besoins de la société. Il faut être optimiste : l’intérêt des forêts et du bois en matière de lutte contre les changements climatiques n’a jamais été aussi fort, et la balance commerciale de la filière bois nationale est toujours déficitaire. Les progrès possibles pour la valorisation du bois local sont donc importants et à venir