Bois-énergie

La haie : filière et reconnaissance

 

Espaces naturels n°67 - juillet 2019

Le Dossier

Paule Pointereau, Afac - Agroforesteries, paule.pointereau@ afac-agroforesteries.fr

Les haies constituent un capital énergétique majeur. Un label créé par les agriculteurs en encourage une gestion durable.

Bois de haies coupé avant broyage en plaquettes sur la ferme de Laurent Nevoux, Normandie. © Afac - Agroforesteries

Bois de haies coupé avant broyage en plaquettes sur la ferme de Laurent Nevoux, Normandie. © Afac - Agroforesteries

L’arbre et l'agriculture jouent un rôle important dans la transition écologique et énergétique. Les scénarios prospectifs Négawatt et Afterres20501 prévoient effectivement une place prépondérante pour l’arbre champêtre et la haie qui contribueront à atteindre 5 % d’Infrastructures agroécologiques (IAE) sur les exploitations, seuil minimal pour maintenir la biodiversité et assurer les services écosystémiques, à stocker 53 millions de tonnes de CO2 supplémentaires pour compenser 9,6 % des émissions de CO2 de l’agriculture en 2050, à mobiliser durablement la biomasse bocagère jusqu’à représenter 15 % de la consommation en énergie de l’agriculture pour sortir des énergies fossiles. Héritées d'une longue histoire de l’agriculture française, les haies maintenues jusqu’ici2, meurent de vieillissement et de mauvaises pratiques d’entretien, faute d’intérêt. Elles constituent pourtant un capital énergétique majeur, valorisable dans des filières haie-bois territoriales. Cette réinscription économique de la haie comme source de bois, transforme la réappropriation technique et culturelle de sa gestion en une opportunité pour l’agriculteur. Le label « bois bocager géré durablement », créé par des agriculteurs soucieux de garantir et de prouver la gestion durable des haies et appuyé par leurs structures de valorisation du bois3 ainsi que par l’Afac-Agroforesteries, est l'outil indispensable pour inscrire ces pratiques de gestion durable des haies dans une filière de production de bois éthique, durable et locale. Le label apporte une réponse pour tous les maillons de la filière. Pour l’agriculteur, cela permet d’être accompagné dans l’acquisition de nouvelles connaissances en sylviculture et dans l’apprentissage des bons gestes techniques à travers un cahier des charges et une certification de groupe basés sur une logique d’amélioration continue. Le label contribue à assurer à l'agriculteur un complément de revenus en inscrivant la haie comme un nouvel atelier de production agricole grâce à une consolidation des débouchés. Enfin, le label permet à l’agriculteur de faire valoir sa gestion durable des haies comme une pratique agricole pourvoyeuse d’aménités environnementales pour la société. La collectivité profite d'éléments paysagers identitaires, mais aussi d'éléments permettant de lutter contre l'érosion ou le ruissellement. En outre, le label répond à des choix d’approvisionnement en ressources énergétiques renouvelables, relocalisés à son échelle d’action politique. Il lui apporte des garanties de non-surexploitation des haies, valorisant ainsi durablement le potentiel d’un territoire. Le label développe une économie circulaire retissant des liens immatériels entre les agriculteurs, les acteurs économiques et les habitants. Le label fournit non seulement une ressource en bois énergie locale et durable, mais il inscrit aussi des attitudes culturelles qui promettent la prospérité pour de nombreux territoires agricoles : la noblesse du métier d’agriculteur cultivant ses haies, le sentiment d’appartenance forte à un territoire et à une communauté d’acteurs de la haie, la conservation d’une économie ancrée localement et à visage humain. Le label renouvelle notre vision de la haie. Il fonde un nouveau contrat social, économique, culturel, paysager, écologique vertueux entre agriculteurs, société civile, élus partageant un même territoire. L’objectif d’ici 2024 sera d’atteindre 35 structures de commercialisation et plus de 3 500 agriculteurs engagés dans le label, permettant la production annuelle de 175 000 tonnes de bois plaquette labellisées. Les collectivités territoriales pourront afficher la sauvegarde de 35 000 km gérées durablement selon les critères de qualité du label.

(1) En synergie, le scénario Négawatt, développé par Négawatt, et le scénario Afterres2050, développé par Solagro, modélisent la transition énergétique et agricole, en révisant nos besoins énergétiques alimentaires, pour se passer des énergies nucléaires et fossiles, développer une agriculture productive, émettant moins de gaz à effet de serre, valorisant la biodiversité et protégeant les ressources en eau, d’ici 2050.

(2) 70 % des haies présentes au début du XXe siècle auraient disparu. Nous héritons d’un patrimoine arboré, estimé entre 600 000 et 750 000 km de haies.

(3) Composées de la SCIC Bois Bocage Énergie (en Normandie), de la SCIC de la Mayenne (en Pays de la Loire) et des SCIC bretonnes Bocagenèse et de Lannion Trégor Communauté (en Bretagne).

Aller plus loin

Typologie nationale des haies suivant leurs modalités de gestion : afac-agroforesteries.fr/referentiel-national- typologie-haies