La difficile construction du parc amazonien de Guyane

 

Espaces naturels n°19 - juillet 2007

Édito

Colin Niel
Chef du bureau des parcs nationaux et des réserves,
direction de la nature et des paysages au ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables.

Après quinze ans de négociation, le parc national amazonien de Guyane est enfin créé. De réunions à Cayenne avec les institutions jusqu’aux nombreuses rencontres sur le terrain avec les communautés d’habitants… pour l’équipe de la mission pour la création du parc, cette dernière année aura été intense !
Le sujet le plus controversé ? Le zonage (c’est-à-dire la délimitation de la zone classée en cœur de parc) sur la commune de Maripasoula, lequel mêlait les positions contradictoires d’habitants, d’ONG locales, nationales et internationales.
Décembre 2005. Suite à la proposition de zonage de l’avant-projet, de nouvelles réunions ont lieu, sur le terrain, avec les chefs coutumiers amérindiens wayanas et les autorités noires marrons alukus, pour expliquer les enjeux… une fois encore.
Fin janvier 2006. Prises de positions écrites des chefs coutumiers.
Les Wayanas demandent un cœur de parc plus grand à proximité de leurs villages. Au contraire, le Gran Man Aluku de Maripasoula réclame que ce cœur soit très restreint et repoussé à l’extrême sud de la Guyane. Quant à la commune de Maripasoula, elle donne son accord pour créer le parc sans prendre position sur le zonage.
Opposition définitive entre communautés ? La mission retient surtout l’aspect positif : il s’agit de trois positions favorables au parc national. Elle se réjouit de cette conjoncture inespérée, en repensant aux réunions houleuses des mois précédents dans lesquelles on avait couru le risque de voir le parc se créer en excluant la commune de Maripasoula ! Les travaux pouvaient donc continuer.
Pour aboutir à un accord et trouver un équilibre acceptable par tous, il convenait de tenir compte des relations complexes entre communautés. C’est ainsi qu’en avril 2006, une réunion aboutit à un accord sur un zonage final négocié : compromis entre les positions des Alukus et des Wayanas.
Organisée par la commune de Maripasoula, la rencontre aura volontairement lieu en pays amérindien, à une heure de pirogue : les organisateurs veulent limiter les risques de pression et permettre l’expression de chacun.
Tout aura été dit sur cette rencontre : mauvaises traductions, mauvaise explication, pression des Alukus, trop nombreux, sur les Wayanas. Mais nous étions là, les chefs wayanas très largement représentés, les autorités coutumières alukus bien moins nombreuses, et le résultat très clair. Le consensus ne fut pas « mou » : la réunion s’est soldée par des applaudissements ! Des applaudissements qui, à cet instant, traduisaient une satisfaction devant ce zonage négocié. C’est ainsi, malgré les critiques, qu’il fut proposé à l’enquête publique. Pourtant, si le zonage est acté par le décret de création, l’enjeu de la réussite du parc amazonien et de son efficacité pour la protection des milieux reste à venir, avec notamment la négociation de la charte dans les cinq ans, et l’éventuelle extension du cœur de parc. L’avenir sera donc riche en concertations et devra permettre l’émergence de ce parc de nouvelle génération.