Eco-logique d’une régression

 
le vison d’Europe

Espaces naturels n°3 - juillet 2003

Études - Recherches

Véronique Petit Uzac
Aten

 

Piégé par erreur, tué sur les routes, frappé d’épidémie, concurrencé par le vison d’Amérique, victime de la régression des zones humides, le vison d’Europe occidentale est une espèce gravement menacée. Engager un plan de restauration suppose d’identifier les mécanismes de son extinction. Pas simple lorsque les causes sont multiples et interdépendantes.

L’enjeu patrimonial est important. Le vison d’Europe est une des espèces de mammifères carnivores les plus menacées au monde. Le groupe spécifique à l’Europe occidentale ne compte plus que quelques centaines d’individus sur un territoire en constante régression. Son extinction semble inéluctable et il est urgent d’intervenir. Mais pour élaborer des hypothèses d’actions favorables, il faut d’abord comprendre les mécanismes de la régression. Il est probable que l’extinction du vison d‘Europe soit due à la conjonction de plusieurs facteurs agissant en synergie.
Une niche écologique
en régression
Élément primordial, le vison est un animal semi-aquatique, directement dépendant des zones humides. Ainsi, on a pu observer que 90 % de ses gîtes sont à moins de 5 m d’eau libre dans un environnement offrant un couvert végétal suffisamment dense pour chasser à l’affût. Il faut entre 2 et 13 km de cours d’eau pour qu’un vison trouve les proies nécessaires à son alimentation.
L’accélération de la destruction des zones humides durant la seconde moitié du 20e siècle, conjuguée à la pollution et l’artificialisation de celles qui restent, est sans conteste un élément essentiel pour comprendre la régression du vison d’Europe.
Dans le même temps, le vison d’Europe subit la concurrence de son cousin, le vison d’Amérique. Introduit en France pour l’élevage dans les années 1920, ce dernier s’est acclimaté au milieu naturel et progresse rapidement. Occupant la même niche écologique que le vison d’Europe, il contribue directement à la raréfaction des espaces favorables.
Les pièges de la confusion
Autre cause, le piégeage semble jouer un rôle historique important dans la mortalité du vison d’Europe. Jadis piégé pour sa fourrure, il est depuis 1976 inscrit sur les listes d’espèces protégées. Aujourd’hui, il s’agit plutôt d’erreurs de détermination lors de captures dans des pièges à « nuisibles » (liste fixée par arrêté préfectoral), tel que le putois. Mais le plus redoutable est certainement la confusion avec le vison d’Amérique. Occasionnant des dégâts importants dans les piscicultures et les élevages agricoles, il est massivement chassé. Il y a alors un risque important de confusion entre les deux espèces, très voisines.
Enfin, une maladie virale, la maladie aléoutienne, amenée probablement par les élevages de vison d’Amérique sévit dans toute l’aire de répartition. 12 % des visons d’Europe sont porteurs du virus, 25 % des visons d’Amérique. La maladie affaiblit l’animal, diminue la fertilité et augmente les avortements spontanés et la mortalité infantile. Le dépistage de ce virus a porté sur 420 animaux, essentiellement de la famille des mustélidés. Mais, si ces travaux sont insuffisants pour apprécier le poids de la maladie dans la régression du vison d’Europe, la mise en évidence du virus est en soit un progrès. Il aura permis de noter l’urgence d’intensifier le contrôle du vison d’Amérique, lequel joue un rôle majeur dans la propagation du virus.
Incertitudes et complexité, la régression du vison d’Europe résulte de facteurs multiples et interdépendants. Ceux-ci agissent concomitamment et se renforcent l’un l’autre, sans que l’on puisse isoler une cause déterminante. Mais, il est clair, qu’en amont de toutes ces causes se trouve l’Homme. Qu’il soit piégeur, éleveur ou aménageur, son action bouleverse l’équilibre fragile des écosystèmes. Tout plan de restauration doit donc lui-même s’inscrire dans la complexité et questionner des problématiques économiques et sociales dont les enjeux dépassent très largement la sauvegarde d’une espèce.