Éducation populaire

Être prêt à se remettre en cause

 

Espaces naturels n°61 - janvier 2018

Le Dossier

Propos recueillis par Marie-Mélaine Berthelot.

Benoît-Karim Chauvin, chargé d'action éducative à l'association Kurioz (1), évoque les principes d'éducation à la différence sociale. Peuvent-ils s'appliquer au rejet de certaines espèces ? Nous voudrions changer le regard des gens sur les espèces, mais, avant de vouloir changer l'autre, sommes-nous prêts à changer nous-mêmes ?

Une reproduction de bidonville permet de laisser s'exprimer les représentations sur ses habitants. © Kurioz

FAIRE ÉVOLUER LES PERCEPTIONS, COMBATTRE LES PRÉJUGÉS, C'EST UN MÉTIER ?

Les grands mouvements d'éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale sont animés par de vrais professionnels. Les réseaux qui y travaillent en France ont des temps de formation en commun, de nombreux échanges. Il en ressort des fondamentaux de méthodes, des éléments théoriques partagés. Un gestionnaire d'espace naturel qui voudrait faire de l'animation autour de la question de la tolérance ou des préjugés sur des espèces peut s'appuyer sur ce type de compétences.

EN QUOI UN ATELIER PERMET-IL DE NUANCER ?

Dans ma pratique, je le vois, les préjugés et stéréotypes sur les migrants, les jeunes, les vieux, etc. sont basés sur une méconnaissance. Il est important de les laisser s'exprimer pour bien cerner le problème, l'incompréhension qui en est la source. Souvent, faire appel à la raison permet de déconstruire les généralités. Nous avons par exemple comme outil la reproduction d'un bidonville. Nous passons en revue les représentations qu'ont les gens sur ses habitants. Ensuite, nous essayons collectivement de vérifier si c'est vrai ou non. L'objectif est de nuancer.

Le résultat sur les changements de comportement n'est pas quantifiable. Mais après des actions dans le milieu scolaire, autour du harcèlement ou de l’exclusion, les professeurs nous disent que les élèves font davantage attention à leur comportement. On peut imaginer que ce serait la même chose suite à un travail sur les préjugés concernant des espèces.

QUELLES SONT LES CONDITIONS DE RÉUSSITE D'UN ATELIER SUR L'ACCEPTATION DE LA DIFFÉRENCE ?

Une condition pour les participants est de pouvoir s'exprimer sincèrement, de ne pas se sentir jugés. En début d'atelier, nous fixons collectivement des règles. Celles de l'écoute mutuelle et de la confidentialité sont essentielles. La posture est capitale pour installer la confiance. On n'est pas là pour juger, ni pour faire une démonstration visant à obliger à penser comme soi. Il faut être prêt, en tant qu'animateur, à se remettre en question, pour faire avancer le collectif : accepter de se créer une culture commune différente de celle avec laquelle on est arrivé.

Autre condition de réussite : donner un pouvoir d'action. À la fin de la séance, le participant doit repartir avec de la matière pour agir, des solutions qui auront été trouvées ensemble. L'être humain n'aime pas qu'on lui dise ce qu'il doit faire, mais il est prêt à être acteur du changement.

(1) Kurioz est une association d'éducation populaire qui agit en grande partie dans le milieu scolaire, mais également à destination du grand public, sur toute la France.