L'UICN réunit la planète biodiversité en juin prochain
Espaces naturels n°69 - janvier 2020
Propos recueillis par Cyrille Barnérias, Office français de la biodiversité
Les résolutions prises lors des Congrès mondiaux pour la Nature ont été décisives au niveau mondial.
Quels sont selon vous les enjeux de 2020 ?
Nous sommes face à un risque d’extinction massif des espèces avec des taux 100 à 10 000 fois supérieurs à la normale. 2020 est vraiment une année « make or brake » pour le futur de la Nature et de l’Humanité.
Nous sommes à un point de bascule au niveau de la prise de décision : soit nous choisissons de vivre sur une planète où nous pouvons vivre durablement, vivre en paix avec la Nature, et en même temps assurer le bien-être de la population ou bien nous nous mettons, ainsi que les générations suivantes, dans une situation très compliquée. Nous ne sommes qu’au début de la crise, et ne savons pas à quoi ressemblera notre planète si nous continuons sur le même chemin. Il est donc essentiel que le Monde prenne des décisions radicales en 2020 pour changer de direction et atteindre les trois objectifs de la convention sur la diversité biologique : la conservation de la biodiversité, son usage durable et le partage équitable des avantages issus de cette dernière.
Il faut le prendre comme une opportunité et rester optimistes. L’humanité est capable de beaucoup de choses. Elle a pu aller sur la lune, découvrir d’autres planètes, inventer l’électricité … Je veux donc croire que nous serons capables maintenant de réaliser ce qui est le plus important pour nous.
Nous aurons besoin d’objectifs simples et ambitieux auxquels les citoyens puissent s’identifier. Toutes ces décisions ne devraient pas juste être prises par un petit groupe de personnes mais par l’ensemble de la société.
Qu'attendez-vous du Congrès mondial ?
Nous devons arrêter la perte de biodiversité en 2030 et obtenir des gains et des restaurations en 2050. Le prochain Congrès devrait accueillir plus de 15 000 personnes de différents secteurs. Il permettra d’avoir une discussion capitale pour préparer la conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique qui se tiendra à Kunming (Chine). Avec le soutien du gouvernement français nous voulons faire en sorte que le Congrès soit une plateforme unique pour permettre une discussion entre les gouvernements, les agences publiques, les communautés locales, les peuples indigènes et la société civile pour arrêter le déclin de la biodiversité. Nous avons notamment beaucoup à apprendre des peuples indigènes dans notre relation à la nature.
Nous avons un mandat dans la vie, c’est de prendre soin de ce qui nous permet de vivre sur cette planète. J’invite tout le monde à nous rejoindre au Congrès Mondial de la Nature à Marseille, parce que nous avons beaucoup à partager et à collaborer ensemble. Pour l’UICN, il est vraiment important que 2020 permette de dessiner un cadre global pour la biodiversité prenant en compte toutes les composantes de la société, notamment en regardant comment mieux intégrer la jeunesse, dont l’implication est capitale.
Les résolutions prises à l’occasion de congrès précédents ont été décisives pour la conservation au niveau mondial. Dans les années 1980, par exemple, elles ont permis la création de la stratégie mondiale de conservation. C'est aussi lors des congrès mondiaux qu'ont émergé les traités internationaux tels que la CITES (trafic d'espèces), RAMSAR (zones humides), la convention sur le patrimoine mondial et la Convention sur la diversité biologique.
L’UICN a aussi beaucoup soutenu les droits des peuples indigènes, la question de la place des femmes et la reconnaissance de la conservation comme un droit humain. Car on ne peut protéger la biodiversité sans tenir compte des droits des personnes qui en dépendent le plus directement.
Quelle est la place des aires protégées dans l'avenir de la conservation ?
Les aires protégées sont vraiment au cœur de l’UICN depuis longtemps. Les aires protégées sont essentielles : elles protègent le patrimoine naturel et culturel, améliorent les conditions de vie locales et soutiennent le développement durable. Les aires protégées nous donnent aussi des choses invisibles comme les services écosystémiques : l’eau que nous buvons, l’éco-tourisme ou bien la possibilité d’être éblouis par ce que nous y voyons.
Pour illustrer l’importance que revêtent les aires protégées pour l’UICN, je peux signaler la mise en place récente des listes vertes d’aires protégées qui reconnaissent une gestion exemplaire des aires protégées. C’est la première reconnaissance via la certification de bonnes pratiques dans la gestion des aires protégées. C’est l’occasion de célébrer les communautés, les pays et les gestionnaires qui font un travail remarquable. Beaucoup de pays regardent maintenant ce standard pour rejoindre la liste verte. C’est une bonne nouvelle à célébrer car on valorise les bonnes pratiques de gestion. Je me permettrais de citer l’exemple de mon pays d’origine, le Costa Rica, qui compte 2,5 millions d’habitants mais reçoit chaque année 3 millions de visiteurs dont une grande partie vient visiter les aires protégées et bénéficie ainsi à la société. Cela montre une voie possible que l’UICN soutient avec force.
[1] « ça passe ou ça casse »
[2] COP15 (lire p. 51)
* Avant de prendre ce poste, en juin 2019, Grethel Aguilar était directrice régionale de l’UICN pour le Mexique, l’Amérique Centrale et la Caraïbe.