>>> comment ils font, les autres ?

Natura 2000

 
des stratégies nationales contrastées

Espaces naturels n°3 - juillet 2003

Vu ailleurs

Stéphanie Aulong
Agro économiste • Station biologique de la tour du valat

 

Déjà dix ans… Dix ans que les États membres œuvrent à la mise en place de la directive européenne Habitats, faune, flore. Dix ans que les choses se préparent pour le grand rendez-vous de 2004 : la réalisation du réseau écologique européen Natura 2000. Pour cette date, en effet, le réseau Natura 2000 devra être opérationnel : chacun des quinze États membres devra avoir désigné des Zones de protection spéciales et des Zones spéciales de conservation. Chacun, aussi, devra avoir défini les modalités de gestion effective de ces sites.

Les quinze États sont donc soumis à la même directive, au même calendrier, mais ils n’ont pas usé des mêmes voies pour transposer la directive européenne.
Deux stratégies principales ont été conduites par les États afin de proposer des sites à la désignation : soit les pays se sont appuyés sur leurs inventaire scientifique (obligatoire de par la directive), soit ils ont désigné des aires déjà protégées. Les deux positions ne comportant pas le même risque, loin s’en faut. Avec 95 % d’aires déjà protégées, la Finlande est championne de cette deuxième catégorie. La France, quant à elle, changera de stratégie en cours de route : en 1995, les inventaires préexistants servent de référence aux responsables de la désignation des sites or, dans le même temps, l’opposition au concept de réseau écologique s’organise autour des associations de chasseurs et de sylviculteurs. En 1997, le gouvernement décide alors de mettre l’accent sur les processus de consultation des acteurs locaux et sur l’utilisation d’une combinaison de critères écologiques et socio économiques. Dans cette même phase de sélection des sites, le Royaume Uni, la Suède, l’Irlande, le Danemark prennent le temps de consulter public et acteurs, sur la localisation des sites Natura 2000 et sur leurs impacts.
Le dernier baromètre relève que Grèce, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Danemark, ont désigné plus de 17 % de leur territoire tandis qu’avec 7,4 % la France est en retard.
Biodiversité
L’analyse comparative permet également de caractériser une spécificité des pays méditerranéens en terme de conservation de la biodiversité. Dans ces pays, les stratégies de conservation sont généralement basées sur la désignation de sites Natura 2000 de grande taille (jusqu’à 190 km2 au Portugal) et passent par le maintien des systèmes extensifs agricoles. La préservation de la nature est alors intégrée au développement rural, contrairement aux pays du nord de l’Europe qui ont adopté des stratégies de conservation, voire de restauration, de la biodiversité beaucoup plus intensives et passant par l’achat de terres ou l’intervention directe sur les écosystèmes.
Après la désignation,
la gestion
La deuxième phase de la transposition de la directive Habitats impose aux États membres de préparer les modalités de gestion des sites désignés. Là encore, deux stratégies s’opposent qu’il convient de nuancer. La plupart des pays choisissent de mettre en œuvre une gestion de type réglementaire : mise en place de permis (chasse, pêche, exploitation des ressources), d’interdictions diverses (circulation…), achat du foncier…
Cette gestion réglementaire s’exprime cependant à des degrés divers. Elle est soit très centralisée dans les États du nord de l’Europe (Danemark, Pays-Bas, Finlande, Luxembourg, Irlande), soit décentralisée régionalement (États fédéraux) ou localement en Grèce, Italie, Portugal, Suède.
Le Royaume-Uni et la France adoptent une stratégie basée sur une approche contractuelle et décentralisée de la gestion des sites Natura 2000.
Les acteurs locaux (essentiellement usagers et propriétaires) se voient ainsi proposés des contrats volontaires et incitatifs, accompagnés de leurs cahiers des charges et des compensations financières correspondantes.
L’analyse comparative permet également d’observer les choix des États quant à la philosophie de gestion des sites Natura 2000. Ainsi, l’instrument de négociation pour la mise en place de mesures de gestion est très peu utilisé. Seule la France a élaboré un processus formalisé de négociation pour la réalisation de documents d’objectifs et des cahiers des charges accompagnant les « contrats Natura 2000 ». Définis par rapport à des objectifs de conservation identifiés collectivement dans chaque site, les contrats mis en place s’adressent aux propriétaires et aux gestionnaires, qu’ils soient agriculteurs1 ou non.
Des contextes politiques et sociaux différents
Le passé environnementaliste d’un pays peut expliquer (en partie) le choix développé à l’égard du réseau Natura 2000. Il existe, en effet, une forte différenciation Nord/Sud : les pays de l’Europe du nord sont globalement plus sensibles aux problèmes d’environnement (notamment aux pollutions atmosphériques et de l’eau). Des politiques environnementalistes ont, très tôt, été mises en place. La création de ministères de l’Environnement y est plus précoce (1971 au Danemark), et la pression sociale sur ces questions est plus forte. Il faut se souvenir que nous devons le concept de réseau écologique de la directive Habitats, à des pays du Nord.
Du fait de leur plus longue expérience de gestion des problèmes d’environnement, ces pays sont globalement plus en avance que ceux du Sud dans la mise en œuvre de la directive. Pour autant, ils n’ont pas mis en place, ni plus systématiquement ni plus tôt, des procédures de consultation du public et des acteurs locaux.
Les pays du sud de l’Europe, eux, sont plus riches en terme de biodiversité (Espagne et Grèce notamment) mais les problèmes de développement leur apparaissent prioritaires sur les problèmes d’environnement, et ce d’autant que la demande « de nature » y est faible.

1. Tous les États maximisent l’utilisation des Mesures agri-environnementales (MAE) dans le cadre de la gestion des sites Natura 2000.

2. Les principes de participation (inscrits dans la loi fédérale) restent à transposer dans le droit interne de chaque lander.